La syndicaliste
Synopsis : un matin, Maureen Kearney, syndicaliste chez le constructeur de réacteurs nucléaires Areva, est violemment agressée. Elle travaillait sur le dossier sensible du rapprochement Areva/EDF et subissait de violentes pressions politiques…
Après La Daronne, le réalisateur Jean‑Paul Salomé retrouve la comédienne Isabelle Huppert pour une nouvelle adaptation littéraire. Cette fois, le duo ne nous plonge plus dans la fantaisie policière mais dans un brûlot à la fois politique et sociétal. Le film s’inspire en effet du livre‑enquête éponyme que Caroline Michel‑Aguirre, cheffe du service investigation à L'Obs, a consacré à Maureen Kearney.
Un brûlot
Si, depuis quelque temps, la tradition du film politique, du film engagé des années 70, se perd quelque peu, il y a heureusement de bonnes surprises qui émergent parfois. La syndicaliste en est indéniablement une, et rien ne le laissait vraiment présager. Ni l’ultra‑présence cinématographique d’Isabelle Hupper qui en devient caricaturale à force de jouer des films « à la Huppert ». Ni même la filmographie de Jean‑Paul Salomé qui nous avait plutôt habitués à briser nos rêves d’enfant avec ses adaptations sans véritable envergure (Arsène Lupin, Belphégor et donc, La Daronne).
Ici, le duo nous plonge totalement dans les interstices d’une affaire d’État : le démantèlement d’Aréva au profit d’EDF, et au final la cession à la Chine de notre savoir‑faire en matière de centrales nucléaires (un bradage en bonne et due forme d’une industrie de pointe !). Véritable thriller passionnant de bout en bout à la fin duquel le politique français n'en ressort pas vraiment grandi.
C’est un combat de David contre Goliath, dont on connaît malheureusement l’issue, auquel on assiste. Une démonstration implacable, maîtrisée de bout en bout par un scénario en béton, assez pédagogique pour qu’à aucun moment, on ne se sente mis de côté. Une femme qui se bat dans un monde d’hommes, celui des affaires.
Calmez‑vous Madame, ça va bien se passer
Mais, et c’est toute la force de ce film (tiré d’une histoire vraie, il faut le répéter), à un moment, il dévie de son sujet pour encore mieux le cerner. Maureen Kearney (Isabelle Huppert), à force de se battre contre les puissants (tous des hommes, bien sûr), dérange et en arrive à se faire agresser et violer. Sans doute dans le but de la faire taire. Là, un second combat commence pour elle en parallèle au premier : celui de la parole de la victime.
Peu à peu, le film se mue en un second brûlot contre le patriarcat de la société. Une société dans laquelle les hommes mettent en doute la parole d’une femme violée, où la sororité n’existe plus vraiment quand certains enjeux sont présents et où, au final, la victime se retrouve bien seule. Force est de constater que le réalisateur a peaufiné son casting et l’écriture de ses personnages de sorte d’échapper le plus possible au manichéisme courant dans les films qui traitent d’un tel sujet. Chaque personnage possède sa part d’ambiguïté, et à un moment, on se demande même pour qui prend parti le film.
Les deux heures passent à une vitesse folle. On partage le combat, la révolte légitime de Maureen Kearney et sa quête de vérité. On adore détester sa froideur que l'on ne comprend pas. Puis, on compatit pour elle. Et au final, on se dit surtout qu’Isabelle Hupper est tout de même une très grande actrice…