par Nicolas Bellet
17 juillet 2023 - 12h34

La syndicaliste

année
2022
Réalisateur
InterprètesIsabelle Huppert, Grégory Gadebois, François-Xavier Demaison, Pierre Deladonchamps, Alexandra Maria Lara
éditeur
genre
sortie
01/03/2023
notes
critique
8
10
label
A

Synopsis : un matin, Maureen Kearney, syndicaliste chez le constructeur de réacteurs nucléaires Areva, est violemment agressée. Elle travaillait sur le dossier sensible du rapprochement Areva/EDF et subissait de violentes pressions politiques…

 

Après La Daronne, le réalisateur Jean‑Paul Salomé retrouve la comédienne Isabelle Huppert pour une nouvelle adaptation littéraire. Cette fois, le duo ne nous plonge plus dans la fantaisie policière mais dans un brûlot à la fois politique et sociétal. Le film s’inspire en effet du livre‑enquête éponyme que Caroline Michel‑Aguirre, cheffe du service investigation à L'Obs, a consacré à Maureen Kearney.

 

Un brûlot

Si, depuis quelque temps, la tradition du film politique, du film engagé des années 70, se perd quelque peu, il y a heureusement de bonnes surprises qui émergent parfois. La syndicaliste en est indéniablement une, et rien ne le laissait vraiment présager. Ni l’ultra‑présence cinématographique d’Isabelle Hupper qui en devient caricaturale à force de jouer des films « à la Huppert ». Ni même la filmographie de Jean‑Paul Salomé qui nous avait plutôt habitués à briser nos rêves d’enfant avec ses adaptations sans véritable envergure (Arsène Lupin, Belphégor et donc, La Daronne).

 

Ici, le duo nous plonge totalement dans les interstices d’une affaire d’État : le démantèlement d’Aréva au profit d’EDF, et au final la cession à la Chine de notre savoir‑faire en matière de centrales nucléaires (un bradage en bonne et due forme d’une industrie de pointe !). Véritable thriller passionnant de bout en bout à la fin duquel le politique français n'en ressort pas vraiment grandi.

 

C’est un combat de David contre Goliath, dont on connaît malheureusement l’issue, auquel on assiste. Une démonstration implacable, maîtrisée de bout en bout par un scénario en béton, assez pédagogique pour qu’à aucun moment, on ne se sente mis de côté. Une femme qui se bat dans un monde d’hommes, celui des affaires.

 

Calmez‑vous Madame, ça va bien se passer

Mais, et c’est toute la force de ce film (tiré d’une histoire vraie, il faut le répéter), à un moment, il dévie de son sujet pour encore mieux le cerner. Maureen Kearney (Isabelle Huppert), à force de se battre contre les puissants (tous des hommes, bien sûr), dérange et en arrive à se faire agresser et violer. Sans doute dans le but de la faire taire. Là, un second combat commence pour elle en parallèle au premier : celui de la parole de la victime.

 

Peu à peu, le film se mue en un second brûlot contre le patriarcat de la société. Une société dans laquelle les hommes mettent en doute la parole d’une femme violée, où la sororité n’existe plus vraiment quand certains enjeux sont présents et où, au final, la victime se retrouve bien seule. Force est de constater que le réalisateur a peaufiné son casting et l’écriture de ses personnages de sorte d’échapper le plus possible au manichéisme courant dans les films qui traitent d’un tel sujet. Chaque personnage possède sa part d’ambiguïté, et à un moment, on se demande même pour qui prend parti le film.

 

Les deux heures passent à une vitesse folle. On partage le combat, la révolte légitime de Maureen Kearney et sa quête de vérité. On adore détester sa froideur que l'on ne comprend pas. Puis, on compatit pour elle. Et au final, on se dit surtout qu’Isabelle Hupper est tout de même une très grande actrice…

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Tous publics
Prix : 19,99 €
disponibilité
12/07/2023
image
BD-50, 122', zone B
2.35
HD 1 080p (AVC)
16/9
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 5.1
Français DTS-HD Master Audio 2.0
Français Audiodescription
sous-titres
Français pour sourds et malentendants
8
10
image

Jean‑Paul Salomé sait y faire aussi question image. Il le prouve en naviguant à la perfection entre l'intime (l'intérieur chaleureux et coloré, le bleu surtout, de Maureen Kearney) et les espaces froids et vides des différentes institutions traversées dans le film (commissariat, Institut médico‑légal, siège d'Areva). La photographie se veut réaliste, implacable, très polar aussi avec cette blondeur quasi‑hitchcockienne. Mission réussie.

8
10
son

Sur le fil, éthérée, parfois assez percutante, la BO de Bruno Coulais épaule et soutient à merveille ce thriller glaçant. Rien de trop ni de pas assez. Un 5.1 parfait, dans le genre.

8
10
bonus
- Entretien avec le réalisateur (30')
- Entretien avec Maureen Kearney (13')

Les deux entretiens sont passionnants. D'une part la genèse du projet avec Jean‑Paul Salomé (un Tweet de la journaliste de L'Obs, la venue de Huppert sur le projet qui le rendait d'un coup plus fort, comment se rapprocher au plus près de la personnalité de Maureen Kearney, notamment à travers son stylisme, le réalisateur lui a d'ailleurs posé des centaines de questions par email), d'autre part, le rencontre avec « la vraie » Maureen Kearney.

 

Un moment fort et impressionnant, particulièrement dans la foulée du visionnage du film. Une rencontre par écrans interposés qui marque. Et dire que nous avions loupé cette sordide affaire. Un film salvateur à bien des égards.

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