La rose noire
L’image la plus célèbre du film, celle dont on se souvient forcément, est celle d’Orson Welles, grimé en chef Mongol menaçant. Nous sommes à l’époque des Croisades, XIIIe siècle, et le noble Saxon Walter de Gurnie (Tyrone Power) tente de combattre les envahisseurs normands. Mais il doit quitter son Angleterre natale, après avoir été dénoncé par la femme de son père. Il débarque alors en Chine en compagnie de son serviteur Tristam et trouve refuge dans la cour de Kubla Kahn. Mais rapidement, il se rend compte qu’ils sont captifs des lieux.
La rose noire du titre est l’autre nom de Maryam, une femme échappée d’un harem qui se retrouve elle aussi prisonnière des griffes mongoles.
Henry Hathaway est l’auteur d’une œuvre prolixe et éclectique, Le jardin du Diable, Cent dollars pour un shérif, Peter Ibbetson, L’impasse tragique, Les trois lanciers du Bengale, La conquête de l’Ouest ou Niagara. Ancien assistant de Victor Fleming et de Josef von Sternberg, Hathaway a incarné à merveille une certaine idée du cinéma classique hollywoodien, réalisant, dans le cadre des studios, des films de commande armés d’un savoir‑faire et d’un sens de l’efficacité indéniables.
Et son cinéma ne manque pas de séquences ou d’images fortes : la traversée d’un lac gelée par une caravane en exil dans L’odyssée des Mormons, le meurtre de Marilyn Monroe sur fond de cloches monumentales et de chutes d’eau dans Niagara, et peut‑être la plus célèbre, celle de Richard Widmark, balançant du haut d’un escalier une vieille femme paraplégique : c’était dans Le carrefour de la mort en 1947.
Dans la version révisée de leur histoire du cinéma américain, Bertrand Tavernier et Jean‑Pierre Coursodon repéraient dans la filmographie de Hathaway des constantes, des thèmes, voire des obsessions : un goût pour l’innovation technique, une manière tranchée et radicale de représenter la violence, un attachement aux détails réalistes et un scepticisme constant à l’égard de la civilisation, et donc du grand récit de l’histoire nationale.
Si La rose noire (1950) compte parmi les films mineurs de Hathaway, il n’en demeure pas moins que la beauté de la photographie (signée du grand Jack Cardiff), la qualité de la reconstitution de la Chine au Maroc, ou encore le sens de l’aventure, valent amplement le détour.