La rage au ventre
On imagine Antoine Fuqua, artisan efficace de Hollywood et déjà auteur d’un film de boxe honorable (Training Day), s’activer les méninges avec son scénariste et ses producteurs, à la recherche d’une manière originale de s’emparer de l’un des genres les plus productifs du cinéma américain.
Comment faire, sinon du neuf, en tout cas du différent, après Nous avons gagné ce soir, Fat City, Rocky, Raging Bull, Le champion, Fighter ou encore Ali ? Comment réinventer la façon de filmer les combats de boxe ? Quelle autre trajectoire du récit que celle, classique et ultra‑balisée, de la chute d’une étoile du ring et de sa rédemption ? Peut‑on imaginer une autre fin que celle, par exemple, de tous les Rocky, qui s’achèvent par les poings levés du héros, sa gueule en vrac et l’adversaire au sol, vaincu par KO au prix d’un duel homérique ? Mais tout ceci est un rêve de cinéphile un peu idéaliste qui aimerait croire que chaque film a une bonne raison d’être et d’exister après d’autres.
Visiblement, Fuqua et sa bande, comme si rien n’avait eu lieu avant eux, sont partis bille en tête avec un scénario cousu de fil blanc signé du producteur des séries The Shield et Sons of Anarchy. Convaincu, à tort, que la seule présence de Jake Gyllenhaal, devenu l’un des acteurs les plus transformistes du moment aux côtés de Christian Bale, suffirait à déplacer le film vers des chemins inédits, Fuqua a fait un film presque pour rien, interminable resucée d’un genre qui, malheureusement pour lui, est jalonné de grands films.
La rage au ventre nous raconte donc ce que tous ses prédécesseurs nous ont déjà raconté : un champion invaincu dégringole de son piédestal sportif, social et familial, le jour où sa femme est accidentellement tuée lors d’un bal de charité. Billy Hope le bien nommé (Gyllenhaal, version massive et bodybuildée) commence sa descente aux enfers (faillite financière, fifille confiée à des services sociaux, retour dans les bas‑fonds de New York) et repart s’entraîner dans un petit club de quartier afin de retâter de la vraie vie, entre chiffons sales et sueur de gamins pauvres. Là, un mentor aguerri (Forest Whitaker) le remet sur le droit chemin, l’aide à chasser ses démons, le sermonne et le discipline façon Eastwood dans Million Dollar Baby. Sinon, 50 Cents dans le rôle d’un agent cynique et Naomie Harris, dans celui d’une assistance sociale, traversent le film en fantômes, consignés à la place de simples spectateurs d’une success story qui avance sans eux.