La planète des singes : les origines
Comme son titre l’indique, La planète des singes : les origines entend nous expliquer la genèse de l’un des mythes littéraires (Pierre Boulle, 1963), puis cinématographiques, les plus puissants de la fiction d’anticipation. Pourtant, pour qui se souvient de la saga produite par la Fox dans les années 1970 suite au succès du chef‑d’œuvre de Franklin J. Schaffner, Les évadés, et surtout La conquête de la planète des singes (Jack Lee Thompson, 1973), les films avaient déjà statué sur les origines de l’apocalypse constatée par Charlton Heston à la fin du premier opus, voir cette Statue de la Liberté enfouie dans le sable, image géniale d’un pays dont l’avenir ressemblait alors à une ruine.
La Fox a donc décidé de réexploiter en 2011, après la version en demi‑teinte de Tim Burton, l’une de ses franchises star. Mais cette fois, pas de relecture délirante d’un auteur désireux de se réapproprier le mythe, mais un tâcheron obéissant et sans style venu d’Angleterre, Rupert Wyatt, qui filme platement un scénario alambiqué (première partie interminable et seconde expédiée) vaguement inspiré de La conquête mais sans la moindre ampleur.
D’ailleurs, le futur leader du peuple singe, César, porte le même nom que l’enfant de Zira et subit à peu près le même sort : récupéré par un scientifique forcément idéaliste qui teste sur des singes un produit censé guérir la maladie d’Alzheimer (James Franco, charisme d’une nouille), César, surdoué à force d’injections de cette substance dont on ne connaît pas les effets secondaires, se retrouve enfermé dans un camp avec ses semblables, soumis au traitement sadiques de gardiens que BB fusillerait sans doute du regard. Seul bon point, le réalisme des singes relevant de la technique du motion capture. Asservi, torturé, César, le poing levé en référence aux sprinters noirs des J.O de 1968, lève sa petite armée simiesque et sème la panique dans les rues de San Francisco (Golden Gate + Cable Car, on n'y coupe pas…).
Ceux qui attendaient une sorte d’« Indignez‑vous black‑panthérisé », avec gorilles et orang‑outans en guise de prolos du monde entier, en seront pour leurs frais. Ici, la révolte se fait dans la douceur, façon révolution bio (pas de sang, absence quasi‑totale de violence, divertissement familial oblige), le very bad guy (sorte de patron d’un Servier yankee obsédé par le profit) est un Noir, ce qui lui permet incidemment de traiter les singes de « sales macaques ! » sans être accusé illico de racisme, et surtout, Wyatt attend le générique de fin pour montrer à coups de graphiques la propagation mondiale d’une révolte qui aurait dû constituer le corps du film.
Enfin, le scénario se prend les pieds dans le tapis de son message consensuel (contre l’asservissement, pour le respect de tous) en faisant de l’humain le véritable Mabuse des velléités révolutionnaires de cette minorité velue, puisque c’est le produit miracle concocté par le nice guy qui augmente la capacité cognitive des singes qui, sans lui, seraient sans doute restés de sympathiques macaques de zoo.