par Jean-Baptiste Thoret
15 juin 2009 - 15h49

La loose

VO
Wackness
année
2008
Réalisateur
InterprètesBen Kingsley, Famke Janssen, Josh Peck
éditeur
genre
notes
critique
5
10
A

Film américain indépendant, Prix du Public à Sundance, un postulat de départ comme on en a supporté des flopées (un jeune dealer mal dans sa peau avec les filles, les parents, le monde et la vie professionnelle qui l’attend), et l’on se dit que c’est reparti pour un énième film de festival autopsiant à nouveau le mal-être des ados, entre teen movie arty et Le lauréat façon cannabis. Mais aux manettes, Jonathan Levine, auteur d’un premier film prometteur (All the Boys Love Mandy Lane), qui décapait à l’acide la mythologie des campus universitaires US sur fond de slasher.

Wackness s’ouvre dans le cabinet du Docteur Jeffrey Squiros (Ben Kingsley), à l’écoute du jeune Luke Shapiro, son patient et fournisseur d’herbe. Très vite, Levine évacue le scénario initiatique (À la rencontre de Forrester), soit les ficelles de l’attelage insolite entre deux individus que tout oppose a priori, et filme la séance comme une thérapie réversible. Dans l’obscurité de cette pièce sépulcrale, deux solitudes, deux générations et surtout deux formes d’immaturité mélancolique qui vont s’agréger, se passer le relais, s’épauler.

D’un côté, le psy, la cinquantaine bien tassée, flanqué d’une femme-robot adepte de fitness (Famke Janssen), et de l’autre, Shapiro, fan de hip-hop, puceau, en quête désespérée d’une âme sœur qu’il trouvera mais qui finira par lui échapper. Entre celui dont le cerveau bouillonne encore des idéaux de la Beat Generation et de la révolution hippie, et le vide intégral qui guette l’autre, entre le disciple de Springsteen et le fan de Notorious Big, Levine traque une même nostalgie, un même raccord impossible (comment habiter un monde dans lequel on ne se reconnaît pas ?).

L’étrange plaisir que l’on prend à suivre les dérives majiuanesques de ces deux âmes perdues, atteintes du syndrome du Wackness (strabisme optico-mental qui vous fait voir les choses en noir), tient autant dans la qualité de ses interprètes (Ben Kingsley n’a jamais été aussi bon et Olivia Thirlby, dans le rôle de sa belle-fille, aimante le regard à chaque plan), que dans l’élégance cool avec laquelle Jonathan Levine tresse patiemment les fils de son récit, à la manière du Happiness de Todd Solondz ou du Mysterious Skin de Gregg Araki, la violence et les traumas en moins.

En toile de fond, la description du New York du milieu des années 90, lorsque Rudolph Giuliani, fraîchement élu, décide d’assainir la ville : plus de violence, plus de SDF, plus de tags, plus de bruit, plus d’alcool dans les rues, en bref, une ville en phase de lobotomisation qui rêve de mettre sous les verrous les derniers vestiges de la contre-culture au profit des enseignes lumineuses de Time Square et des trottoirs propres de Wall Street.

Levine, dont le jeune Luke constitue l’alter ego, presse sa Madeleine, donne ses coups de griffe, mais ne perd jamais de vue que la décennie qu’il a choisi de recréer (walkmans, téléphones avec fil, cigarette dans tous les plans et tons automnaux pour la fin d’une époque…), pour autobiographique qu’elle soit, sert d’abord de chambre d’écho à l’humeur triste de ses deux personnages et à leur désir d’évasion (très belle séquence de plage finale). Pour Jeffrey Squiros, la contre-culture n’est plus. Comment en faire le deuil ? Pour Luke, le problème est inverse, ou plus grave : comment se constituer lorsque le contre n’est plus possible ou juste un simulacre (Kurt Cobain) ?

sur les réseaux
proposer une vidéo
test
dvd
cover
Wackness
Tous publics
Prix : 19,99 €
disponibilité
05/05/2009
image
DVD-5, 95', zone 2
2.35
SD 575i (Mpeg2)
16/9 compatible 4/3
bande-son
Français Dolby Digital 5.1
Anglais Dolby Digital 5.1
sous-titres
Français (imposé sur la VO)
8
10
image
Du style, de la recherche graphique et des effets mêlant diverses techniques, mais aussi un master idéalement propre, sans fourmillement, avec de la densité et du contraste. Une compression au top pour un rendu hautement satisfaisant.
8
10
son
Présence, verve et précision sont les trois qualités de cette bande-son très musicale. Un chouette rendu en VO pour ce film surprenant à tous les niveaux. VF plus décalée et moins appropriée.
3
10
bonus
- Entretien avec le réalisateur (15')
- Bande-annonce
Une interview-fleuve un peu casse-croûte qui a le mérite de nous faire connaître un peu mieux ce tout jeune réalisateur prometteur.
en plus
soutenir
Recevez l’actualité tech et culture sur la Newsletter cesar
Inscrivez-vous
OK
Non merci, je suis déjà inscrit !