La grande vie
Engoncé dans son costume élimé, Grégoire (Laurent Capelluto), professeur de philosophie à Saint-Étienne et militant associatif à ses heures, est contacté par le talk-show Le Grand Bazar pour parler de son soutien aux habitants d’une cité expulsés par un avide promoteur. Mais sur le plateau, il est tourné en ridicule. Quelques heures plus tard, il sauve la mise au présentateur (Michel Boujenah) menacé sur un parking par des inconnus, et va malgré lui s’en octroyer les faveurs. Désormais conseiller d’un animateur vedette en pleine crise existentielle, son quotidien d’enseignant va devenir trop étriqué pour lui…
Acteur favori de Desplechin notamment vu dans Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle), Emmanuel Salinger signe avec La grande vie son premier long métrage. Situé quelque part entre Mon idole de Guillaume Canet pour la critique acerbe du showbiz et le cinéma social de Pierre Jolivet, le film dépeint, sur fond de réflexion philosophique, les problèmes d’identité et le choc des cultures dans une France partagée entre les idéaux de son peuple et l’indifférence froide de ses leaders.
Péchant par excès de zèle, La grande vie part tous azimuts, sans parvenir à se canaliser. En abordant une multitude de sujets et de trajectoires, le réalisateur et scénariste ne les traite que superficiellement. Son propos en est amoindri, d’autant que les personnages pâtissent d’un traitement trop manichéen (le grand méchant patron, le présentateur star déconnecté de la réalité, l’intello ennuyeux…), ou ne sont pas exploités à leur juste valeur (Michel Muller en chroniqueur subversif dépourvu de dialogues !).
Si Laurent Capelluto, ici dans son premier grand rôle, fait montre d’un réel potentiel, à la fois dramatique et comique, la direction d’acteur (problème généralisé à l’ensemble des comédiens, excepté Maurice Bénichou), et surtout la caractérisation du personnage, participent à son déséquilibre, le réalisateur semblant constamment hésiter entre le burlesque d’un duo comique à la Veber et un cinéma d’auteur plus introspectif.
Malgré le soin apporté à la forme (subtiles mises au point, scope élégant) comme au fond (constants parallèles avec la pensée philosophique), les ruptures de ton sabordent le peu de crédibilité de l’ensemble. Les réactions des personnages virevoltent sans constance, notamment celui de Capelluto, enseignant lunaire et introverti qui surprend par ses poussées de bravoure inopportunes et oublie bien vite ses engagements (associatifs, amoureux, professionnels).
Une tentative originale de comédie douce-amère, mais dont les gags tombent trop souvent à plat pour séduire sur la durée.