par Carole Lépinay
21 juin 2021 - 11h07

La fleur du Mal

année
2003
Réalisateur
InterprètesNathalie Baye, Suzanne Flon, Mélanie Doutey, Benoît Magimel, Bernard Le Coq, Thomas Chabrol
éditeur
genre
notes
critique
5
10
A

En pleine campagne électorale, les Charpin‑Vasseur font face à un tract ignoble dans lequel de lourds secrets refont surface. La missive agit comme un détonateur sur chaque membre, de tante Line (Suzanne Flon), l’aïeule hantée par le souvenir de son frère, au jeune couple incestueux que forment Michèle (Mélanie Doutey) et François (Benoît Magimel), fraîchement débarqué des États‑Unis.

 

Dans une propriété cossue de la région bordelaise, un long travelling s’achève sur le cadavre d’un homme qui gît sur le sol. La fleur du Mal s’ouvre ainsi sur une scène énigmatique. Néanmoins, avant que les circonstances de l’homicide ainsi que l’identité du meurtrier ne soient découverts, Chabrol entend lier trois générations au culte du secret. La structure ternaire du récit fait sauter les verrous temporels de telle sorte que le souvenir de l’acte irréparable de tante Line durant la guerre, comme le meurtre du beau‑père trop entreprenant, appartiennent à un présent perpétuel.


Ainsi, il ne s’agit pas de répéter un crime (resté impuni) mais de transmettre sa répétition au cœur d’un geste libérateur pour celle qui fut autant coupable que victime de l’injustice des hommes.

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Tous publics
Prix : 19,99 €
disponibilité
07/04/2021
image
BD-50, 105', zone B
1.66
HD 1 080p (AVC)
16/9
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 5.1
Français Audiodescription
sous-titres
Français pour sourds et malentendants
7
10
image

Pas hyper‑précise mais feutrée et légèrement inquiétante avec ses tonalités brun jaune, la photographie toute chabrolienne nous plonge dans un espace‑temps assez indéfini. L'étalonage n'est pas toujours cohérent (les conditions lumineuses varient parfois vraiment d'un plan à l'autre pourtant censés être dans la continuité), mais l'ambiance générale soutient parfaitement le propos.

5
10
son

Un 5.1 anecdotique qui profite surtout à quelques rares ambiances (la plage, le vent). Les dialogues sont clairs et l'animation sonore et musicale en fin de film vient rompre le calme apparent du début.

7
10
bonus
- Présentation du film par Joël Magny (3')
- Commentaires de Claude Chabrol (47')
- Le tournage du film (26')
- Entretien avec Caroline Eliacheff, coscénariste du film (25')
- Bande-annonce originale
- Bande-annonce du cycle Suspense au féminin

La fleur du Mal vient boucler une trilogie amorcée en 1995 avec La cérémonie puis suivi par Merci pour le chocolat (2000). Joël Mangy propose un bref topo de ce nouveau portrait de la bourgeoisie actuelle. 

 

Claude Chabrol commente quelques scènes clés du film, dont celle du jardin d'hiver : installés dans le jardin d'hiver, les Charpin‑Vasseur prennent le café ensemble. Chabrol les enserre délibérément à la manière d'animaux en cage, il revient sur la transition temporelle qui s'opère entre le présent et le passé réactivé par tante Line endormie.

 

Dans la scène dite du Pyla, Michèle et François s'offrent une escapade dans la maison familiale du Pyla, bientôt rejoints par tante Line. Un simple claquement de porte dans cette scène (comme un souffle) indique que la maison est pleine d'événements passés, une temporalité qui trouve une certaine continuité avec l'arrivée de tante Line. Du point de vue de cette dernière, un plan de plage au présent renvoie à la plage de son enfance. La résurgence du passé n'est possible que par le biais du présent qu'elle perçoit. 

 

Dans la scène nommée Chuchotis, Chabrol opte pour un travelling avec une légère diagonale respectant la taille des protagonistes. En optant pour ce choix d'angle, il compose une harmonie autour de tante Line et du couple de jeunes qui se déstructure selon les enjeux de la conversation puis retrouve sa forme initiale. Il s'agit de dépeindre la naissance d'une complicité de plus en plus nette entre les trois personnages.  

 

Le bureau de vote : décryptage du geste de Gérard au bureau de vote, celui‑ci ne votera pas pour sa femme. À l'instar du plan en amorce de Matthieu (le bras droit de Anne) qui déboule avec le tract dans le jardin d'hiver, Bernard entre dans le champ à l'identique... Par cet effet de résonance, Chabrol propose une suggestion au spectateur, doublée d'une interrogation : à qui le crime profite ? 

 

Un plan à l'envers : confronté à un problème de crédibilité pour la séquence du meurtre de Gérard, le cinéaste a choisi de partir du coup assené puis de remonter. Pour cela, il a fallu compter sur l'extrême habileté des comédiens. 

 

L'escalier : l'astuce de magicien, pour reprendre les termes de Chabrol, consistait à solliciter l'accessoiriste et le chef électro pour monter le cadavre de Gérard dans l'escalier. Bien sûr, seuls ses pieds apparaissent dans le champ, puis le visage des deux actrices qui n'auront donc pas souffert de soulever l'objet de leur crime. 

 

Le petit film de Patrick Le Gall nous plonge quant à lui dans les coulisses du film. Chabrol qui se moquait de l'adage de René Clair l'a finalement adopté : « Mon film est terminé, je n'ai plus qu'à le tourner », soit l'instant magique où le cinéaste peut (plus ou moins) souffler. Suzanne Flon et Bernard Le Coq saluent la merveilleuse direction d'acteur du cinéaste : attentif, vif, efficace, chaleureux, les compliments pleuvent. 

 

Enfin, une intervention pointue de la coscénariste Caroline Eliacheff permet d'établir les points communs entre les trois films de Chabrol dans lesquels les femmes sont des criminelles. « On peut tout oublier mais rien ne s'efface », tel serait le propos qui lie ces drames dont les femmes (autant de cas pathologiques incarnés par Isabelle Huppert et Sandrine Bonnaire) sont motivées tour à tour par la répétition d'un crime déjà commis mais acquitté, ou la transmission d'une situation condamnée à se répéter…

 

À noter, un coffret Chaude Chabrol intitulé Suspense au féminin est aussi disponible, incluant L'enfer, La cérémonie, Rien ne va plus, Merci pour le chocolat, La fleur du Mal.

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