La fièvre
La nouvelle série du créateur de Baron noir, Éric Benzekri, nous plonge dans une société française qui s’enfonce dans une crise qui fleure bon une guerre civile plus que probable… ou pas.
Ce soir‑là, la grande famille du foot français fête ses héros : sourires, selfies, récompenses. Tout bascule quand, devant les caméras, Fodé Thiam, la star du Racing, assène un violent coup de tête à son entraîneur et le traite de « sale Toubab » (« Blanc » en wolof). Sidération : la tempête médiatique peut commencer. Si l’élément déclencheur de la crise se déroule dans le milieu du football, l’emballement médiatique qui en résulte met en perspective les failles les plus profondes de la société actuelle, où s’entremêlent tensions identitaires et lutte acharnée pour le pouvoir.
Un récit rarement crédible
Après avoir brillamment décortiqué les rouages de la politique hexagonale via l’ascension d’un membre du parti socialiste jusqu’à l’Élysée dans Baron noir, Éric Benzekri récidive en auscultant ceux d’une agence de communication chargée d’éteindre le feu démarré par une crise en apparence anodine et qui va très vite se transformer en brasier inarrêtable. Les comédiens sont tous remarquables, à commencer par une Nina Meurisse (BRI) époustouflante qui crève l’écran. Et la plume d’Éric Benzekri est toujours aussi ciselée, même s’il a parfois tendance à « s’écouter écrire ».
La grosse réserve vient en réalité du récit et de ses conséquences qui s’articulent autour d’un point de départ (les raisons du coup de tête) qui manquent de crédibilité. Benzekri est ensuite obligé de faire passer la pilule au forceps pour réussir sa démonstration. Le problème, c’est que dès que l’on recommence à y croire un peu, sa créature lui échappe à nouveau et retombe dans l’improbable (l’engueulade entre les journalistes, tout ce qui touche au foot avec des protagonistes surréalistes et une vision des médias tendances qui s’articulent exclusivement autour de Canal+).
L'option du pire
Le monde décrit par Éric Benzekri ne semble passer que par le filtre médiatique sans jamais prendre en compte la réalité du terrain. Certaines possibilités pourtant évidentes ne sont jamais abordées, encore moins retenues pour expliquer ce qui se passe. L’auteur choisit toujours l’option qui mène au pire. On comprend les intentions, le climat social potentiellement explosif, mais son point de départ l’est beaucoup moins. Souvent, il ne faut pas aller chercher bien loin l’explication d’un débordement ou d’une dérive, comme le disait à raison Michel Rocard : « Toujours préférer l'hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante. Le complot exige un esprit rare ».