La couleur de la victoire
En 1934, durant la ségrégation raciale aux États‑Unis, les performances hors du commun de l’athlète noir américain Jesse Owens font espérer le meilleur à son entraîneur Larry Snyder. Lors des J.O. de 1936, qui se déroulent au cœur de l’Allemagne nazie, Owens va rafler un grand nombre de médailles devant Hitler et ses sbires.
Le réalisateur Stephen Hopkins fait craindre, dès sa séquence d’ouverture, une ode terne à un prodigieux athlète qui décrocha pas moins de quatre médailles d'or au pire endroit et durant la plus étrange des périodes. Fade, La couleur de la victoire l’est notamment dans son entreprise de dramatiser artificiellement le personnage d’Owens (Stephan James) à travers une liaison et ses retrouvailles avec sa belle. Discutable, elle l’est aussi lorsqu’elle tente de montrer la cinéaste de propagande Leni Riefenstahl (Carice van Houten) comme une pure artiste.
Mais le film ne manque néanmoins pas d’attrait. Hopkins témoigne des conditions quotidiennes indignes faites aux Noirs américains même après qu’ils aient ramené à la maison une brochette de médailles. Il n’omet pas la pitoyable corruption qui entraînera les équipes américaines à concourir chez Hitler après avoir obtenu un faux‑semblant de normalisation pour les populations harcelées par les Nazis. Il sait montrer l’arme idéologique que les mêmes espéraient construire avec ces Jeux, ainsi que l’existence de dissidents au sein même des équipes allemandes. Hopkins filme enfin avec une belle énergie et une puissante efficacité visuelle les exploits sportifs de son héros.
La couleur de victoire a ceci d’agaçant qu’il a presque autant de grands défauts que de qualités réelles. Mais la vraie frustration que suscite ce film, malgré tout plaisant à voir, vient sans doute du véritable mystère que reste cette odyssée sportive hors norme : jamais la personnalité et les motivations de Jesse Owens ne dépassent le stade de l’esquisse. Et c'est dommage car, à l’évidence, ce personnage hors du commun méritait un récit au diapason.