La chute de l'empire américain
Malgré un doctorat de philosophie, Pierre‑Paul Daoust (Alexandre Landry), 36 ans, travaille comme chauffeur‑livreur à Montréal. Alors en pleine activité, il assiste à un braquage qui tourne mal et s’empare d’un sac bourré de millions de dollars. D’abord considéré comme un témoin oculaire inoffensif, la police se met progressivement à le soupçonner…
Il pourrait s’agir du titre d’un article de revue d’analyse financière laborieuse, pourtant, le dernier film de Denys Arcand (Les invasions barbares, 2003) mise plutôt sur la comédie décalée afin de révéler les manœuvres officieuses du système capitaliste. Pas plus expert que quiconque en gestion et blanchiment de capitaux, Pierre‑Paul, trentenaire solidaire (il consacre son temps libre aux SDF) sollicite l’intervention de Sylvain (Rémy Girard, génial), un ancien prisonnier fin connaisseur des stratégies financières.
S’ensuit un fantastique jeu du chat et de la souris entre un binôme de flics dépassé et la clique hétéroclite de Pierre‑Paul (une escort girl, un brillant avocat amateur de jeunes filles, une ex‑copine banquière), dont les principes philosophiques semblent voler en éclats. En partie seulement, dans la mesure où subtiliser de l’argent sale est une chose et l’usage que l’on en fait, un excellent moyen d’éprouver ses limites humanistes. « Jusqu’ici vous avez toujours été un honnête citoyen » : à cette remarque moralisatrice lors d’un interrogatoire, le héros, à la fois drôle et exemplaire, répond en marge de ce même système, lequel lui permettra plus facilement de venir en aide à une minorité invisible et démunie.
Derrière cette comédie pleine de bon sens autour de l’argent et de la valeur qu’on lui donne, Denys Arcand nous met littéralement face (voir la séquence finale) aux portraits poignants d’hommes et de femmes précarisés.