L'éternel retour
Le jeune Patrice (magnifique Jean Marais) vit avec son oncle Marc dans un château enchanteur, où résident également sa tante, son époux et leur fils Achille, atteint de nanisme. Ces derniers n’apprécient guère Patrice, sans doute pour sa beauté, sa liberté d’esprit, sa relation privilégiée avec le riche Marc. Veuf, ce dernier désire refaire sa vie. Pour lui venir en aide, Patrice se propose de lui trouver la perle rare. C’est à la faveur d’une escapade sur une petite île voisine qu’il rencontre Nathalie (Madeleine Sologne), fiancée avec le terrible Morholt. Après une bagarre au cours de laquelle il est blessé à la jambe d’un coup de couteau, Patrice parvient à enlever la demoiselle, lui promettant la main de son oncle. Ils reviennent tous les deux au château familial…
Au début des années 40, Jean Cocteau voulait offrir à Jean Marais, son amant, un grand rôle au cinéma, porté par une grande histoire d’amour digne de Roméo et Juliette ou Tristan et Iseult. Optant pour la seconde, le poète reprend alors à son compte le mythe celtique, le transposant dans un univers plus moderne, mais également onirique, teinté de fantastique et de mystères. Titrant le film L’éternel retour d’après la formule de Nietzsche selon laquelle toute chose revient éternellement (l’idée est ici appliquée au retour cyclique et infini des mêmes mythes), il brouille les repères spatio‑temporels, les distances entre les différents lieux (l’île, la montagne, le château, le garage…), jamais nommés, comme pour mieux ancrer son récit dans la fable.
Un univers fantasmagorique renforcé par la mise en scène de Jean Delannoy, qui fait preuve de créativité et de modernité (alors qu’il fut critiqué pour son classicisme pour la suite de sa carrière), osant les cadrages désaxés et inclinés, les contre‑plongées appuyées, les plans circulaires… L’alliance des talents de Delannoy et de Cocteau, ainsi que la personnalité du duo d’acteurs blonds comme les blés, teints pour l'occasion (ce qui déplut à certains en ces temps d’Occupation), firent de cette tragédie une belle relecture d’une légende intemporelle, grand succès public à l’époque.