L'ange du Mal
On se souvient de Romanzo Criminale et de l'espoir qu'avait fait naître Michele Placido d'un réveil du cinéma italien, ou plutôt d'une résurgence d'un passé glorieux un peu trop vite enterré (le cinéma de genre des années 1960 et 1970, et plus précisément le film de mafia façon Damiano Damiani).
Après le « Libanais » et sa bande, Placido cale cette fois son pas sur celui de Renato Vallanzasca, bandit fameux des Seventies, Robin des Bois charmeur et courtois qui, au cours des années de Plomb, se rendit célèbre pour une série de braquages et de kidnappings qui firent les choux gras des médias. Un biopic (encore ?) sur un gangster dont la vie s'écrivait déjà comme une fiction, entre une enfance pouilleuse, un caractère de chien, des éclats de violence, des femmes glamour, des règlements de comptes et des passages réguliers par la case prison.
Passant d'une époque à une autre, à coups d'aller‑retour dans le temps, Placido construit un film solide, efficace, mais que l'on contemple comme un livre d'images un peu lisse, qui enfile scrupuleusement toutes les scènes canoniques du genre sans jamais parvenir à nous captiver vraiment.
Hormis les séquences de prison, parce qu'elles échappent au programme obligatoire et attendu du film de gangsters et contraignent donc Placido à inventer des séquences hors du genre (la dimension bouffonne du personnage qui se marie avec une fan et transforme le pénitencier en un gigantesque barnum, puis soudain, l'effroi lorsqu'on le voit avaler des clous afin de voir son fils), le film manque de chair, de consistance (aucun des membres de la bande n'existe à l'écran, sa femme disparaît aussi vite qu'elle est apparue), ne décolle jamais vraiment et se concentre presque exclusivement sur la présence physique de son acteur principal, Kim Rossi Stuart, qui, pour impeccable qu'il soit, porte sur les épaules un projet dont l'ambition aurait dû le dépasser.
Au fond, le film de Placido arrive‑t‑il déjà trop tard, après Mesrine et le diptyque de Soderbergh sur le Che, après Un prophète et La bande à Baader ? La vivacité d'hier vire‑t‑elle au ressassement un brin académique ? Si notre regard s'accroche à l'image, notre esprit, lui, a du mal à s'y intéresser. Qui trop embrasse (le genre, l'action, le glamour, l'amitié, le contexte politique, le portrait, etc.)… on connaît la suite. Un film sympathique, obèse et invertébré.