Knock Knock
Knock Knock est le remake à demi‑avoué de The Seducers, un film d'exploitation post‑Manson (à ce sujet, voir la série Aquarius) réalisé en 1977 par Peter Traynor, dans lequel un bon père de famille (Seymour Cassel) succombe, un soir d'orage punitif, aux charmes de deux jeunes filles un peu intrusives (Colleen Camp et Sondra Locke), avant que celles-ci, dès le réveil, se transforment en harpies venimeuses et fassent vivre à notre « daddy » un véritable enfer.
Remake à demi‑avoué puisque si Eli Roth et ses deux co‑scénaristes apparaissent comme les seuls auteurs du script, la présence de Camp et de Locke, la première comme co-productrice, la seconde dans un petit rôle, vient rétablir la filiation. C'est Keanu Reeves, en plein trip sulpicien et post‑John Wick, qui reprend le rôle peu aimable de la victime imprudente, Evan, architecte et ex‑DJ dont la partition se résume très vite à hurler au loup, impuissant, attaché sur une chaise, tel le spectateur effrayé du happening anarcho‑MTV orchestré par ces Miley Cirus de banlieue, incarnations réjouissantes de la teen d'aujourd'hui telle que Reeves et Roth, tous deux quarantenaires, la voient et/ou la fantasment.
La mise en pièce méthodique de la maison d'Evan constitue le meilleur du film, une destruction aux limites du cartoon de tous les signes de réussite de ce cadre légèrement bobo, de son goût du vintage aux croutes de sa femme artiste, versions miniatures de celles d'Anish Kaapur graffitées d'un réjouissant « L'art n'existe pas ».
Vu de loin, Knock Knock, c'est une version camp de Funny Games revue par Liaison fatale, un délire très E.C Comics (la fin renvoie à Creepshow) autour de la rebellion 2.0 ‑après tout, on a les hippies qu'on peut‑.
Certes le film d'Eli Roth reste plus sympathique que celui du maton Haneke, et en dépit de sa désinvolture potache, moralement plus fréquentable. Mais il cale assez vite, incapable de trouver le juste équilibre entre la parodie méta (quelques efforts à accomplir avant le niveau Blake Edwards) et le thriller façon Les nerfs à vif. Si Knock Knock témoigne d'une volonté de Roth de faire un pas de côté et ne pas se laisser enfermer dans la cage du cinéma gore (ici, l'horreur est psychologique), il accuse aussi d'un manque d'ambition que ni son savoir‑faire, ni son vernis subversif, ne parviennent à masquer complètement.