Joyeuse fin du monde
L’histoire commence comme un traditionnel repas en famille à Noël dans la campagne anglaise. Tout le monde est réuni ‑les couples qui se disputent, les enfants agaçants, les pièces rapportées qui ne savent pas où se mettre‑ pour ce qui ressemble en apparence à une journée comme une autre. Sauf que le repas cette année se contente d’une seule pomme de terre par personne et qu’un certain malaise flotte derrière les conversations. Et pour cause : demain, l’humanité n’existera plus.
Éco‑anxiété dans l'assiette
Pour son premier long métrage, la réalisatrice Camille Griffin n’y est pas allée de main morte : c’est la fin du monde, rien que ça, qui s’invite dans le genre pourtant bien typé de la comédie anglaise et de ses familles bourgeoises qui se crêpent le chignon. Un postulat intéressant sur le papier, d’autant que l’apocalypse proposée par Joyeuse fin du monde résume toutes les anxiétés de notre époque, semblant venir en représailles au mode de vie d’une certaine partie de l’humanité : dépensière, polluante et insupportablement insouciante face aux destructions qu’elle cause. Et face à l’inévitable, le scénario dépeint de manière grinçante le petit manège absurde de ces personnages propres sur eux, qui tentent bien inutilement d’oublier leur fin imminente.
Comique noir
Malheureusement, Joyeuse fin du monde peine à savoir où aller une fois son postulat nihiliste posé (après une vingtaine de minutes intrigantes sur le ton du mystère). Dans un premier temps, le film paraît vouloir rester sur le registre de la comédie noire, avec ses discussions à couteaux tirées façon règlements de comptes, plutôt bien interprétés par son casting (on oubliera Keira Knightley ou Lily-Rose Depp, pas spécialement remarquables, pour se concentrer plutôt sur l’excellente Lucy Punch ou le jeune Roman Griffin Davis, fils de la réalisatrice vu dans Jojo Rabbit).
Mais l’humour peine à décoller face à la noirceur absolue de la situation, même quand le propos se fait un peu plus politique (« On aurait vraiment dû voter pour les écolos aux élections », se disent deux personnages désespérés en aparté), les scènes s’enchaînant sans jamais se défaire d’un sentiment de morne attente : quels enjeux comiques peuvent avoir des personnages ‑même british‑ qui se savent condamnés ?
Vous allez aimer vos repas de famille
Face à cette impasse, le film tente d’amorcer progressivement un virage vers le drame. Mais ne nous ayant dépeint que des personnages caricaturaux, il est alors impossible de s’attacher réellement à eux, même dans les séquences les plus déprimantes.
Trop cynique pour émouvoir comme un Jusqu'à ce que la fin du monde nous sépare (dans lequel jouait déjà Keira Knightley !), trop simpliste pour prétendre rejoindre le Melancholia de Lars Von Trier, pas assez méchant pour régler son compte à la bourgeoisie comme dans les huis clos de Luis Bunüel, Joyeuse fin du monde patine et se contente de mettre mal à l’aise dans sa dernière demi‑heure, cafardeuse à souhait, qui montre tout ce petit monde en train de se préparer pour se suicider.
Et si le tournage s'est terminé juste avant la pandémie de Covid‑19 et que la réalisatrice a insisté sur le fait que son film n’était pas une allégorie sur la gestion des vaccins, la révélation médiocre sur laquelle s’achève le film laisse un sale goût en bouche. Difficile en l’état de recommander Joyeuse fin du monde à qui que ce soit, à part les sadiques qui voudraient casser l’ambiance la prochaine fois qu’ils font une soirée film en famille.