John & Yoko : Above Us Only Sky
Nous sommes en 1971. Les Beatles sont désormais morts et enterrés depuis un an. Si certains des ex‑membres s'appliquent à creuser leur songwriting en solitaire, John Lennon est fort occupé depuis quelque temps à expérimenter tous azimuts aux côtés de Yoko Ono, artiste contemporaine avec laquelle il file ce qui semble être le parfait amour. Après une poignée d'expérimentations que les fans les plus réactionnaires ne leur ont jamais pardonnées (Two Virgins en tête), les deux artistes livrent en 1970 deux albums solo magnifiques mais difficiles, placés sous le signe de l'intime et du cri primal, enregistrés avec le même groupe et avec un nom commun : Plastic Ono Band. Installé dans sa confortable demeure de Tittenhurst Park, le couple se lance alors dans l'enregistrement du second album de Lennon. Un disque plus doux, plus classique aussi, qui deviendra l'album le plus célèbre et acclamé du compositeur : Imagine.
C'est d'abord l'histoire de la création de ce disque culte que nous propose de vivre le documentaire Above Us Only Sky de Michael Epstein. Donnant la parole aux musiciens, journalistes et collaborateurs ayant vécu cette période aux côtés du couple (dont le brillant bassiste Klaus Voormann, pas avare en anecdotes), il débute tel une chronique détaillée de l'enregistrement d'Imagine. Pour cela, le documentaire s'appuie grandement sur les images tournées directement à l'époque (qui furent réunies dans un film éponyme sorti en 1972). Des archives pléthoriques qui nous plongent dans l'intimité de l'album conçu à domicile, dans le petit studio construit à côté de la cuisine chez John et Yoko, donnant à voir l'avancement de titres comme How Do You Sleep ? (vicieuse charge anti‑McCartney), Jealous Guy ou encore le fameux morceau‑titre dans de belles séquences musicales qui ont le mérite de n'être pas interrompues, présentées parfois avec des split‑screens très intéressants.
Au‑delà de ce récit musical, c'est aussi un touchant regard sur la période 1970‑1972 de la vie de Lennon et Ono qui nous est offert, se concentrant peu à peu sur leur relation fusionnelle, artistique et amoureuse. Concerts bruitistes, Beds‑in à Amsterdam et Montréal, engagements politiques : toute l'agitation du début des années 70 est évoquée très frontalement par le documentaire pour mieux dépeindre l'état d'esprit révolté et irrévérencieux des deux artistes. L'occasion aussi de montrer un couple au travail et de remettre sur le devant de la scène le rôle de Yoko Ono dans la conception d'Imagine ‑écrivant certaines paroles et donnant régulièrement son avis sur la production ou la pochette du disque‑, loin de l'image faussée et caricaturale que certains colportent encore aujourd'hui.
Au contraire, il y a quelque chose de rafraîchissant à voir à l'écran deux personnes heureuses et inspirées qui se lancent tête baissée dans des projets auxquels elles croient (seul bémol : les albums de Yoko enregistrés parallèlement à ceux de Lennon ne sont pas évoqués, comme le brillant Fly). Et même si le regard jeté par le film sur le couple est largement complaisant, il est tout de même régulièrement contrebalancé par quelques témoignages qui remettent les choses en perspective. En tête, celui de Julian Lennon alors jeune garçon, souhaitant passer du temps avec son père mais ayant toujours la crainte que celui‑ci se dérobe à lui. Ce qu'il finira par faire, en 1972, quand le couple décidera presque du jour au lendemain de partir vivre à New York, laissant de côté Julian et quelques collaborateurs proches.
S'il contentera principalement les fans du couple, Above Us Only Sky vaut vraiment le coup d'œil ne serait‑ce que pour se replonger dans l'ambiance tumultueuse de cette période aux côtés d'un couple touchant, parfois maladroit, mais jamais ennuyeux. Avec, en bande‑son, tout simplement l'un des plus beaux albums des années 70.