Jason Bourne : l'héritage
On croyait la trilogie Bourne achevée et bouclée, mais pour Universal, comment résister aux sirènes du tiroir‑caisse lorsque l’on tient l’une des rares nouvelles franchises du cinéma d’action et d’espionnage qui, pour une fois, ne doit rien au DC Comics et autres super‑héros ?
C’est donc Tony Gillroy, réalisateur de Michael Clayton et scénariste des précédents films de la saga, qui s’est chargé de résoudre l’équation de cette suite : prolonger l’aventure de Jason Bourne sans Jason Bourne, autrement dit sans Matt Damon.
Dès le premier plan (un corps inerte qui flotte à la surface d’un océan), Gilroy tisse ostensiblement un lien avec le premier volet qui s’ouvrait lui aussi par une séquence similaire. Bourne, du moins son esprit, réapparaît alors sous les traits d’Aaron Cross, interprété par un Jeremy Renner (Démineurs, Mission impossible : protocole fantôme) musclé et trapu.
Cross est un agent secret, sorte de pion cobaye que le récit, complexe, touffu, voire incompréhensible, va déplacer aux quatre coins de la planète, à la recherche d’un produit médical conçu, en secret, par une officine gouvernementale. Aidé dans sa quête par une femme médecin (Rachel Weisz), Cross est, encore une fois, traqué par l’agence Treadtsone, incarnée dans ce volet par Edward Norton.
Ce quatrième opus témoigne d’une série désormais à bout de souffle qui avance en pilote automatique, enchaîne les séquences d’action sans véritable enjeu (voir cette interminable séquence de poursuite en moto dans les rues de Manille) et transforme le style heurté et épileptique de Paul Greengrass en une bouillie visuelle qui fait mal aux yeux.
Et puis ce Bourne 2.0 abandonne l’idée centrale de la trilogie, ce qui dictait tous ces choix de scénario et de mise en scène : celui d’une mémoire déficiente, et donc d’une identité toujours mouvante, après laquelle cavalait l’ancien Bourne. Ici, Aaron Cross, comme tous les personnages, ressemble à un concept, un trait sans densité, qui exécute en robot un programme de film d’action moyen à mille lieues de l’originalité qu’avait su imposer la trilogie. Distrayant, rien de plus, malgré tout le talent de Jeremy Renner.