Jacky au royaume des filles
On attendait au tournant le dessinateur Riad Sattouf, auteur en 2012 d’un carton du box‑office français, Les beaux gosses, comédie originale et revigorante qui tranchait agréablement avec le tout‑venant d’un cinéma hexagonal abonné aux beauferies comiques.
Avec Jacky au royaume des filles, Sattouf réussit son virage et signe un pamphlet teinté d’absurde, une version réjouissante de Cendrillon avec un soupçon de Soleil vert et des milliers de burkas. Mais la jeune fille énamourée du film n’est autre que Jacky (Vincent Lacoste), adolescent dans un État totalitaire, Bubunne, dirigé de main de maîtresse par la générale (Anémone) et sa fille (Charlotte Gainsbourg), qui doit sous peu trouver son homme, plus communément appelé langue bubunne un « couillon ».
Le grand bal de Bubunne approche et tous les hommes ne rêvent que d’être choisis par la colonelle. Mais ici, les hommes sont voilés, comme autant de sexes faibles exploités à l’intérieur d’une société intégralement matriarcale. En retournant tous les clichés sexistes (le droit de cuissage des femmes, armée féminine…), Sattouf livre une satire bien sentie de nos sociétés contemporaines et s’aventure souvent sur des terrains à la fois absurdes (les chevalins sacrés du royaume, la bouillie que les sujets avalent…) et dérangeants.
On pourrait reprocher à Sattouf d’être surtout un créateur d’univers, à la Jacques Demy, et ne pas pousser jusqu’au bout la logique politique de son univers délirant. Certes, l’homme n’est pas encore un grand cinéaste ‑il lui manque sans doute une vision‑ mais la singularité absolue de son imaginaire suffit à emporter toutes les réticences. Un ovni filmique à découvrir.