J'embrasse pas
En désaccord avec son père, Pierre Lacaze (Manuel Blanc) décide de quitter son village des Pyrénées pour rejoindre Paris. Dès son arrivée, le jeune homme sollicite l’aide d’Évelyne, une connaissance rencontrée à Lourdes qui lui permet d’obtenir du travail en milieu hospitalier. Mais son impertinence lui vaut rapidement un renvoi. Fauché et livré à lui‑même, Pierrot ne tarde pas à fréquenter le milieu gay noctambule. Il proposera ses services mais toujours selon ses propres conditions.
Impossible de ne pas corréler l’histoire de ce jeune provincial au cheminement souvent déceptif de quelque Rastignac ou Frédéric Moreau, après que la Ville Lumière ait consumé leurs illusions juvéniles. Encore que, si la mansarde mal chauffée du protagoniste ou son idylle éphémère avec Évelyne, bourgeoise quadragénaire restée vieille fille, empruntent les motifs du roman initiatique, le drame de Téchiné appréhende le milieu feutré et parfois risqué de la prostitution.
Ainsi, une frange marginale, invisible le jour, transparaît à l’autre rive de la capitale, Pierrot dîne en compagnie de travestis, racole une clientèle homosexuelle et s’éprend bientôt d’une prostituée fragile (Emmanuelle Béart). La radioscopie de cette faune noctambule s’interrompt brusquement, lorsque suite à un épisode violent, le héros choisit d’intégrer les rangs de l’armée. Une césure existentielle s’opère alors, elle s’achemine vers un plan final majestueux qui (re)cadre l’enfant sorti grandi dans un océan des possibles.