Incendies
Quelque part au Québec, probablement Montréal. Jeanne et Simon Marwan, jumeaux, viennent de perdre leur mère, Nawal, être qui leur a toujours paru énigmatique. Et le mystère s'épaissit le jour de la lecture du testament de la défunte : le notaire leur remet deux enveloppes, l'une adressée à un père qu'ils pensaient mort, et l'autre à un frère dont ils ne connaissaient même pas l'existence. C'est dans ces lettres, et aussi quelque part au Moyen‑Orient, que se tapit le secret de leur mère, et que Jeanne va tenter de découvrir. Elle part pour le pays de ses ancêtres pour y trouver des réponses et lever le voile sur le passé trouble de sa mère…
Le pays dépeint est imaginaire, jamais nommé, les dates floues. Volontairement. Adaptant la pièce de Wajdi Mouawad, le réalisateur québécois Denis Villeneuve (Un 32 août sur Terre) situe son histoire dans un pays qui pourrait très bien être le Liban. Conflits entre Chrétiens et Musulmans dans les années 70 (à vue de nez, rien n'étant mentionné clairement), décors plus méditerranéens qu'arides : l'histoire et la géographie du pays du Cèdre transparaissent inévitablement (c'est d'ailleurs le pays d'origine de Mouawad), au présent comme dans les flash‑back.
Le présent, c'est celui des jumeaux en quête de vérité. Le passé narré dans les flash‑back, c'est celui de leur mère, Chrétienne éprise d'un Musulman dont elle tomba enceinte. Le point de départ d'une véritable tragédie antique, qui commence avec un meurtre, un accouchement, une répudiation. Ce drame shakespearien, porté par Lubna Azabal en mère meurtrie, se veut donc avant tout universel dans l'absurdité et l'horreur de la guerre.
Mais Incendies, nommé à l'Oscar du meilleur Film étranger en 2011, dépasse sa vocation universelle au fur et à mesure que les strates de la tragédie s'empilent, créant un décalage étrange entre le réalisme dépeint et la forme presque allégorique du récit. Si la vraisemblance de l'ensemble en pâtit parfois, on reste estomaqués par cette œuvre tout en clair‑obscur, qui ne parle finalement que d'une chose : la colère en héritage, seule responsable du chaos.