Illusions perdues
Aspirant écrivain, Lucien de Rubempré (Benjamin Voisin crève l’écran) quitte Angoulême pour tenter sa chance à Paris. Soutenu par sa protectrice Louise de Bargeton (Cécile de France), il est présenté à la noblesse de la capitale qui ne tarde pas à déceler ses origines prolétaires. Livré à lui‑même, le jeune poète rencontre Étienne Lousteau (Vincent Lacoste), un journaliste cynique. Bientôt intégré à la rédaction, Lucien découvre un monde mercantile et gangrené par les faux‑semblants.
Une fresque magistrale
La caméra danse, virevolte, capte au plus près les tensions et les drames qui se jouent en coulisses ‑presse, théâtre, politique, vie mondaine‑ rien n’échappe à l’adaptation acide du chef‑d’œuvre éponyme d’Honoré de Balzac (paru entre 1837 et 1843). Xavier Giannoli (L’apparition, Quand j’étais chanteur) explore à travers cette fresque magistrale le simulacre d’une société, celle du XIXe siècle, qui partage bien des points communs avec la nôtre.
Un casting cinq étoiles
Catapulté critique de théâtre, Lucien pactise, jusqu’à se perdre, avec l’ambition marchande du journal. Peu importe la qualité d’une pièce ou le talent des comédiens, puisqu’un bon papier s’adapte à la loi du marché. En avance sur leur temps, les fake news font et défont les réputations, boostent les carrières aux dents longues, anéantissent les plus intègres. Parmi les sacrifiés, l’amante (trop) sincère de Lucien, Coralie (Salomé Dewaels), jeune actrice de boulevard qui se rêve tragédienne et sera vite conspuée par le public. Car derrière les huées ou les applaudissements se cache un personnage terrible inventé de toutes pièces, Singali (formidable Jean‑François Stevenin dans l’un de ses derniers rôles), qui tire à son tour les ficelles de cette cruelle comédie humaine.
Servi par un casting cinq étoiles (Benjamin Voisin, Gérard Depardieu, Vincent Lacoste, Jeanne Balibar, Cécile de France, Xavier Dolan), Illusions perdues a raflé sept récompenses à la dernière cérémonie des César, et c’est mérité.