Il était une fois dans l'Ouest
Avec Le bon, la brute et le truand, Leone pensait en avoir fini avec le western. Il voulait non seulement s'attaquer à un autre aspect de l'Histoire de l'Amérique, mais aussi donner une orientation nouvelle à son cinéma : le film‑opéra. Mais les producteurs d'Il était une fois en Amérique fixèrent une condition sine qua non à la réalisation de son projet : un nouveau western. Entre compromis et envies de changement, le cinéaste accoucha d'une œuvre à la fois bâtarde et pure, ovni cinématographique et hommage accompli. Il était une fois dans l'Ouest est une œuvre à part. En rupture avec la trilogie des dollars immortalisée par Eastwood et son « Homme sans nom », figure immuable du western‑spaghetti, Leone s'inscrit dans la mythologie tout en s'émancipant des contraintes. Rythme, cadrage, tout diffère, mais les références au western abondent, comme ces sobriquets dont sont affublés tous ces personnages de cinéma à la mine patibulaire, faisant partie intégrante de la mémoire collective des amateurs du genre. Les héros ne sont plus des hommes, ce sont des mythes. Immortelle également, la partition musicale de Ennio Morricone, en parfaite adéquation avec la lecture cinématographique de Leone. Son style est plus épuré que jamais, le temps est suspendu au silence, aux actes et à la volonté de ces protagonistes qui doivent trouver leur place dans le berceau de cette nation en train de naître. Pour la première fois enfin, Leone inscrit dans son univers presque exclusivement masculin le personnage d'une femme forte, Jill (sublime Claudia Cardinale), à la fois mère, putain, maîtresse et objet. Le metteur en scène confie aussi à Henry Fonda, dont 90% de la carrière a été consacrée à la noblesse et à l'intelligence (Le serpent, Douze hommes en colère…) le rôle de Franck : « Le plus grand dégueulasse que la terre ait jamais porté ». La montée progressive de son face‑à‑face avec Bronson se terminera comme au commencement, en apothéose visuelle et sonore, par un duel d'anthologie. Un chef‑d'œuvre vertigineux à ressentir comme une des plus grandes déclarations d'amour au western en particulier, et au cinéma en général.