Il Divo
En Italie, Giulio Andreotti est une figure-clé de la politique de ces soixante dernières années, un cador indétrônable réélu sept fois à la présidence du Conseil Italien. Sénateur à vie, l’homme a occupé vingt-sept fois le poste de ministre. C’est le gourou de la Démocratie Chrétienne, il a survécu à tous les gouvernements, à tous les séismes politiques et sociaux, et possède des dossiers sur tout le monde : « J'ai de nombreuses archives, vu que je n'ai guère d'imagination. Et chaque fois que je parle de ces archives, ceux qui doivent se taire, comme par enchantement, se taisent », avoue-t-il.
Surnommé le Pape Noir, l’Homme des Ténèbres, Belzébuth, le Sphinx et même Nosferatu (à cause de son teint blafard, son dos voûté et ses oreilles en pointe), Andreotti incarne le pouvoir absolu et opaque, la manipulation et la corruption, en bref, la gangrène increvable de la politique italienne.
Le pari de Paolo Sorrentino était risqué : faire un film sur un homme controversé encore vivant, sans emprunter la voie ni du film documentaire, ni du pamphlet façon Costa-Gavras ou Francesco Rosi. Les influences de Sorrentino se situent plutôt du côté de Coppola et Bunuel, Leone et Fellini. D’où l’étonnant éclectisme formel d'Il Divo, puisque l’on passe d’une pluie de cadavres en ouverture (Andreotti fut soupçonné d’avoir commandité ou couvert un nombre incalculable d’exactions) à une séquence nocturne dans les rues de Rome digne d’un polar de Johnnie To, d’une marche dans le couloir d’un palais filmée comme un opéra-rock à des saynètes proprement burlesques. Enfin, Toni Servillo, l’interprète d’Andreotti, est prodigieux. L’un des musts du moment.