Homeland saison 1
Homeland (comprendre « patrie ») est une libre adaptation de la série israélienne de Gideon Raff, Hatufim. Ancrée dans une atmosphère paranoïaque post‑11 septembre, elle se déroule dix ans après que l’Amérique ait déclaré la guerre au terrorisme, participé à deux conflits (Irak et Afghanistan) et se soit récemment « débarrassée » de Ben Laden.
Elle met en scène l’agent de la CIA Carrie Mathison (Claire Danes, Roméo + Juliette), persuadée que le soldat Nicolas Brody (Damian Lewis, le héros de Life), de retour au pays après avoir passé huit ans en détention entre les mains d’un groupe islamiste en Irak, s’apprête à commettre un attentat sur le sol américain. Tandis que Brody est accueilli en héros, que sa femme et ses enfants, qui le croyaient mort, tentent de le « retrouver », elle va tout faire, y compris bafouer les lois de son propre pays, pour prouver que l’ex‑Marine est devenu un terroriste au service d'Al‑Qaida.
Construite comme un thriller paranoïaque dont les lignes se troublent progressivement jusqu'à un final intense et inédit, Homeland donne l'impression de revenir dix ans en arrière, au moment où le monde découvrait un héros cathodique d’un nouveau genre : Jack Bauer dans 24 heures chrono. La comparaison est d’autant plus opportune que le principal créateur et scénariste de la série, Howard Gordon, est un ex‑producteur et scénariste de 24 heures chrono, ici accompagné d'une belle brochette d'auteurs qui ont tous fait leurs preuves avec des shows reconnus, et de militaires reconvertis dans la production TV. Au final, Homeland est un modèle d’écriture multi‑récompensé (le succès est total aux USA, comme en France sur Canal+), dévoilant la face sombre des arcanes du pouvoir, entre CIA opaque et FBI bête et méchant.
Voilà pour la forme. Mais qu'en est‑il des idées ? On est parfois mal à l'aise d'entrer à notre tour dans cette paranoïa de spectateur‑voyeur, prêt à accuser chaque personnage de trahison à la patrie (Saul, la sœur, Virgil, et pourquoi pas les enfants, ou même les morts ?). Qui dit vrai ? Qui ment ? Qui commettra le prochain attentat sur le sol américain ? Qui l'en empêchera ? On le comprend vite, c'est sur les niveaux de gris que tout se joue.
En attisant les peurs les plus primales du peuple américain, à savoir le terrorisme intérieur, Homeland joue à remettre en question la capacité de ses héros ‑et donc ses services secrets‑ à le contenir. Ainsi, lorsque le sergent Brody est surpris en train de faire sa prière, parce qu’il est devenu musulman pratiquant en Irak, la musique, le jeu du comédien et la mise en scène laissent penser que les auteurs n’auraient pas traité d’une autre façon la scène si le « Marine converti » avait été en train de préparer une bombe. Volontairement ou involontairement, la série attise la peur de l’étranger et de la différence. Assez limite pour un divertissement grand public.
C’est d’autant plus dommage que le vrai sujet de la série passe au second plan : une jeune héroïne speed, refoulant sa féminité, cogitant à 300 à l'heure, travaillant dans un monde d'hommes en s'appropriant leurs codes, en permanence malmenée par son entourage, et atteinte de graves troubles de bipolarité depuis sa prime jeunesse. La paranoïa à l'intérieur de la paranoïa. Le véritable point fort de la série.