Hi, Mom !
Tourné en 1969, Hi, Mom ! appartient à la première période du cinéma de De Palma qui s’achèvera en 1972 avec Sœurs de sang. Il constitue ainsi avec Greetings, The Wedding Party et Murder à la Mod un ensemble de films d’essais libertaires, encore brouillons, mais dotés d’une incroyable énergie.
De Palma retrouve ici Robert De Niro et reprend le personnage de Jon, ce voyeur parti au Vietnam dans Greetings, dont il imagine le devenir. La structure en vignettes de ses premiers scripts, le sentiment que ce qui relie les séquences entre elles importe parfois moins que leur logique interne, la circulation intense d’un film à l’autre d’une même bande d’acteurs (Robert De Niro, Allen Garfield, William Finley, Jennifer Salt, Gerrit Graham) et la reprise fréquente de certaines situations, la forte influence du film à sketches et de ces instantanés de vie inspirés du Free Cinéma britannique, expliquent le sentiment d’assister en temps réel à un work‑in progress potache, enthousiaste et désordonné, violemment refroidi en 1970 lorsque la Warner, alerté par le succès de Hi, Mom !, propose à De Palma de produire son prochain film.
Car en 1969, la révolution du Nouvel Hollywood gronde déjà. Révolution politique : décennie agitée placée sous le signe des assassinats politiques, de la guerre du Vietnam, des revendications des minorités et d’un esprit contestataire dont les films de De Palma se font partout l’écho. Rupture aussi avec le carcan d’une Amérique conservatrice, rapport critique à l’égard de l’establishment et des médias perçus comme les sous‑marins d’une idéologie capitaliste, enfin, satire systématique des institutions, à commencer par le mariage, l’une des cibles favorites de The Wedding Party, Murder à la Mod et de Hi, Mom !, dont la dernière séquence (De Niro, effrayé par le matérialisme monotone d’une vie de couple dont il avait pourtant rêvé, s’enfuit du foyer comme un rat et fait exploser son immeuble) tient lieu de manifeste rageur. Une curiosité à découvrir.