Heroes saison 4
Suite et fin (on y reviendra) d'une des séries TV fantastiques qui restera sans doute dans les mémoires pour avoir réussi la synthèse de tout ce qui a été fait auparavant dans le domaine, tout en parvenant à s'évader régulièrement du concept de départ de « super-héros », en ajoutant des ingrédients savamment empruntés au thriller, au polar, au film pour ados, au survival, etc.
Alors que les séries de super‑héros se concentrent habituellement sur un « pouvoir » ou une « habilité » particulière (voir le passé dans Médium, être en empathie avec les objets ou les êtres que l'on touche dans Dead Zone, deviner ce que les autres ne voient pas dans The Mentalist, décupler sa force dans L'homme qui valait trois milliards ou Superwoman, se fondre dans le décor dans L'homme invisible…), Tim Kring, le créateur de Heroes en 2006, opte pour une idée nouvelle : la multiplication des super‑pouvoirs au sein d'un même show, et à l'intérieur duquel les héros peuvent s'échanger leurs dons, contrôler ceux des autres ou carrément les inhiber (l'Haïtien bloque tous les pouvoirs du simple fait de sa présence, mais peut aussi effacer les mémoires).
Dans ce monde où être « normal » implique le fait de maîtriser un ou plusieurs pouvoirs, se crée automatiquement une sorte de gradation des dons : en bas de l'échelle, celui qui ne maîtrise pas son pouvoir ou vit mal son « aptitude », en haut, celui qui peut le voler aux autres et amplifier toujours plus sa puissance (Sylar, génial Zachary Quinto). Une sorte de théorie des vases communicants appliquée à un univers ésotérique et surnaturel qui fait toute la force du programme. On prend d'ailleurs un malin plaisir à découvrir les capacités des héros et les effets spéciaux qui leur sont associés tout au long des quatre saisons de Heroes (ce qui explique aussi les coûts de production exorbitifs) : de la femme de glace (Ali Larter, alias Tracy Strauss) au phénix qui renaît de ses cendres (Hayden Panettiere dans la peau de l'indestructible Claire Bennet), en passant par le don de maîtriser le sol et la terre (le nouveau venu Robert Knepper, fraîchement débarqué de Prison Break), de dessiner l'avenir à coups de tatouages, de se déplacer à la vitesse de la lumière, de maîtriser l'espace‑temps… Et on en passe des dizaines et des dizaines.
Il existe tout de même un point commun à toutes ces séries : la lutte du Bien et du Mal, thème fondateur de toute la culture de super‑héros en général et des comic‑books en particulier (ici, Hiro trouve son chemin en suivant notamment les cases de ses BD préférées). Mais au‑delà du parcours initiatique (s'émanciper de son père pour Hiro ou Claire, de sa mère et son frère pour Peter, d'un leader de pacotille pour les forains), le message est aussi simple que clair : en chacun de nous, il y a un super‑héros qui sommeille, prêt à bondir pour défendre ceux que nous aimons (le père de Claire, même sans pouvoir, parvient à tenir tête aux êtres les plus puissants et maléfiques qui soient). C'est sans doute en cela que Heroes peut être qualifiée de série d'inspiration profondément asiatique, puisque dans cette partie du monde, la maîtrise des « sens » et des choses de « l'invisible » est une évidence, et même enseignée dès le plus jeune âge (voir les personnages de Hiro et Ando, leurs rapports à leurs parents et ancêtres).
Autre tour de force de la série, les incursions dans différents univers et genres cinématographiques, allant du thriller au paranormal en passant par la comédie, le survival, le gore ou le suspense. Un mélange des styles qui caractérise à tous les niveaux cette série, qui n'hésite d'ailleurs pas à dicter aux personnages ses références souterraines. En plein délire et malade (les vrais héros ont toujours un point faible : Daredevil est aveugle, Superman vulnérable à la kryptonite…), Hiro cite pêle‑mêle Battelstar, Sherlock Holmes, La planète des singes…
Pour toutes ces raisons, ses inventions visuelles comme autant de tours de force, ses comédiens tous excellents et ses histoires plus que jamais liées les unes aux autres à décrypter en permanence et dans tous les sens, Heroes marquera les esprits. Et même si, après une saison 3 aussi épique que remuante, cette quatrième saison semble beaucoup plus calme et se termine de manière peu commune (juste avant le dernier épisode, Tim Kring amorce ce que vous aviez sans doute déjà deviné concernant l'arrêt et le final de la série…), elle a le mérite de donner libre cours à notre imagination et de nous laisser espérer qu'il nous soit proposé un jour prochain, sous une forme ou une autre, un véritable épilogue. Vous n'en saurez pas plus à la fin de cette saison 4 (pourquoi le symbole de l'éclipse par exemple ?), mais une chose est sûre, vous aurez vécu une nouvelle saison aux côtés de vos héros préférés (et les autres). Et ce n'est déjà pas si mal.