Heretic
En pleine tempête, deux jeunes missionnaires mormones se rendent chez M. Reed, une maison isolée, pour tenter de convertir le maître des lieux avec leur prêche habituel. Mais rapidement, les choses vont déraper.
Dieu est Grant
Tout d’abord, mettons les choses au clair, Heretic n’est absolument pas le film d’horreur que tente de nous vendre la bande‑annonce. Non, c'est au mieux un malin thriller, au pire un film d’ambiance et surtout un « Hugh Grant Show de haut vol ».
Dans ce huis clos diablement bien huilé, l’acteur porte‑étendard des rom com british en fait des caisses dans le genre mystérieux, intrigant et malicieux. Et cela fonctionne assez bien, pourvu que l’on tombe sous son charme. Si Heretic est un petit film très théâtral, il n’en demeure pas moins assez plaisant malgré quelques longueurs. Les réflexions sur la foi sont certes bavardes mais passionnantes, le tension ‑que l'on voit arriver de loin‑ monte crescendo et les deux réalisateurs jubilent à cofrontrer leurs héroïnes à des dilemmes éthiques et moraux.
Qu’importe, c’est une convention avec le spectateur qui s’amuse des joutes verbales, comparant le Monopoly au monothéisme tout en se demandant comment Diable les deux oies blanches (les charmantes Chloe East et Sophie Thatcher) pourront bien se tirer d’affaire. Le film prend son temps, économise ses effets et ne surjoue ni la carte de l’humour ni celle de l’esbroufe cinéphilique. Il nous emmène simplement lentement là où il veut nous amener, à l’instar du personnage de Hugh Grant avec ses deux invitées. Belle mise en abyme.
Il était une foi
On sent que les deux scénaristes réalisateurs, Scott Beck et Bryan Woods, connaissent leur Mankiewicz sur le bout des doigts (période Le Limier) et on peut même se demander s’ils n’ont pas lu les œuvres complètes de Franck Thilliez tant les ponts entre l’auteur de polars le plus lu de France et cet Heretic sont nombreux. On croirait presque regarder une adaptation d’un de ses premiers romans (Puzzle, Vertiges).
Toujours à la frontière du crédible et du n’importe quoi, l’équilibre du film tient sur la performance des acteurs, entre surjeu (ah les haussements de sourcils de Hugh !) et premier degré ultra‑tendu. Pratiquement à trois dans la même pièce tout au long du film, ils le portent littéralement sur leurs épaules à coups de réflexions philosophiques à double sens sur l’existence de Dieu.
Mise en abyme
Subtilement, ces réflexions font place à l’expérimentation imaginée par le pervers Némésis. Puis par un habile effet de scénario, le film finit par impliquer malicieusement le spectateur, confronté à son tour à la même question que ses héroïnes.
Ce questionnement sur l’existence de Dieu face à cette facilité de scénario est à l’image du film. Dans une belle mise en abyme aussi maligne que sournoise, les réalisateurs/scénaristes jouent avec le spectateur. Ce n’est pas forcément subtil et novateur, mais assez agréable. C'est surtout sans prétention et rondement bien mené. En un mot, charmant. Mais attention, comme le répète à l’envi le film, tout charme cache peut‑être un piège…