Halloween
Halloween 2007, trente ans après le chef-d’œuvre de Carpenter et huit séquelles plus tard. Intouchable ? Sur le papier, mission presque impossible. Une profanation pour les intégristes de l’original, prêts à dégainer leur coutelas au moindre faux plan. Mais dès les premières minutes du film, le (petit) miracle se produit.
Plongée au sein d’une famille en lambeaux, dans l’enfance de Michael Myers, entre un père ordurier (impressionnant William Forsythe), une mère martyre contrainte au strip-tease pour boucler les fins de mois et trois enfants livrés à eux-mêmes. Des insultes, du bruit, du chaos et le jeune Michael Myers, visage d’ange et cheveux blonds, étripant en douce des rongeurs dans le lavabo de la salle de bains. La famille, dramatiquement absente dans le film de Carpenter, devient ici le terreau d’une violence constante, la matrice d’une horreur exponentielle qui se cristallisera dans l’esprit de Michael et dont un pédopsychiatre (Malcom McDowell) deviendra l’exégète et le confident.
Rob Zombie, auteur du très bon The Devil’s Rejects, trouve immédiatement ses marques, le bon rapport avec l’original. À la fois fantôme permanent (citations discrètes toujours ingénieuses : le thème musical surgit non plus pour signaler la présence du monstre, mais pour accompagner la douleur intime d’un gamin rejeté par tous) et fantôme lointain, puisqu’à partir d’une matière analogue, Halloween 2007 invente une trajectoire nouvelle qui progresse en marge de son modèle, explore un autre devenir possible.
Le film procède en deux temps. Par anamorphose puis par compression. Anamorphose : la première partie (la meilleure) dilate, creuse, développe ce que Halloween 1978 avait expédié en une dizaine de minutes. L’horreur familiale, l’origine de la catastrophe, la naissance d’une pathologie que des parents ne voient pas venir, la description d’une Americana glauque et détraquée. Zombie hystérise le chef-d’œuvre glacé et théorique de Carpenter et le double d’une mélancolie chevillée au corps de son enfant sauvage. Compression : devenu adulte, Michael s’échappe de l’asile et retourne à Haddonfield pour un remake en accéléré du film de Carpenter.
Carpenter liquidait rapidement l’humanité du personnage pour en faire l’incarnation abstraite et presque fantastique d’un Mal à l’état pur. Une sorte d’Autre absolu dont le masque, blanc et figé, disait un autisme radical. Zombie, au prix d’un maniérisme rugueux, délaisse les séquences de peur, dont Halloween 1978 offrait un brillant traité, et se concentre sur la violence du personnage, victime parmi les victimes. Dès lors, le meurtre apparaît comme la conséquence d’une interlocution impossible et une épreuve de spectateur qui colle à la souffrance des victimes. Un bijou.