Freddie Mercury : the Great Pretender
Il était l’extravagance, le talent pur, la liberté folle. La cadence et la décadence. La scène était son royaume et il était le roi du rock ‑autocouronné certes‑, mais il le valait bien. Et Queen fut son règne, son trône, encadré par trois sujets (Brian May, John Deacon et Roger Taylor), davantage piliers qu’esclaves. Des génies au service d’un génie. Freddie Mercury était un phénomène stratosphérique, un monument. Un être capable de transcender ses défauts au point d’irradier tel un astre incandescent, capable d’auto‑dérision, de se jouer du ridicule. Tel était, aux yeux du monde, Freddie Mercury. Côté scène.
En coulisses, se tapissait Farrock Bulsara ‑son véritable nom‑, enfant de Zanzibar, homme timide, chérissant ses chats comme la prunelle de ses yeux, mélomane adorant l’opéra, esthète collectionneur. Un être solitaire mais entouré, mégalo mais humble, réservé et capable de captiver des dizaines de milliers de fans dans des concerts titanesques. Un paradoxe.
Ces goûts iconoclastes, ce désir de repousser toujours plus loin ses limites, qui faisaient de lui un musicien hors norme, l’ont poussé à faire cavalier seul durant quelque temps. C’est le cœur du documentaire Freddie Mercury : the Great Pretender (conçu par l’équipe derrière le doc Queen : Days of Our Lives), qui s’intéresse donc aux périodes durant lesquelles le chanteur de Living on my Own a tenté des aventures musicales en solo, ou s’essayant à des duos comme pour mieux s’éloigner de la figure tutélaire de Queen.
À partir d’archives rares ou inédites, qui montrent notamment la star répondant avec facétie à l’une des rares interviews qu’il a bien voulu accorder, ou fêtant son anniversaire au cours de la mythique « black and white party », le documentaire révèle les choix d’artiste du chanteur et musicien, les tentatives de duos avortées avec son ami Michael Jackson (Freddie aurait pu participer à l’album Thriller mais a raté le coche !), ou encore avec Rod Stewart. Sans oublier son premier album solo, Mr Bad Guy, qui ne fut pas un grand succès.
Mais c’est quand Freddie, grand amateur d’opéra, tomba sous le charme de la voix de la soprano espagnole Montserrat Caballé qu’il se mit à rêver d’un duo avec celle qu’il admirait. Pensant que cela ne se concrétiserait jamais, il fut le premier surpris quand celle‑ci le contacta pour une collaboration. Ils devinrent amis, firent ensemble Barcelona (la chanson choisie pour les JO de 1992, un an après sa mort), puis un album complet. Ce sera l’une de ses plus grandes fiertés, et sans doute sa revanche sur un monde qui le malmena de son vivant et après sa mort, pour son train de vie jugé outrageux (le doc montre une séquence où May et Taylor, venus défendre leur défunt ami sur un plateau de télévision, ont dû subir le blâme virulent du présentateur, considérant le mode de vie de Mercury comme dépravé).
Pour ces rares moments qui éclairent une facette méconnue et passionnante de la vie de Freddie Mercury, pour l’émotion qui se dégage de cet homme exceptionnel, pour sa sensibilité artistique (l'audace du mélange des genres, comme l’opéra et le rock, dont s’inspire ouvertement Muse aujourd’hui), ce documentaire est tout simplement indispensable. Pour se souvenir de l’homme qu’il fut, et de ce qu’il légua au monde, avec ferveur et désinvolture.