par Jean-Baptiste Thoret
28 juin 2011 - 12h54

Fighter

VO
The Fighter
année
2010
Réalisateur
InterprètesMark Wahlberg, Christian Bale, Amy Adams, Melissa Leo, Jack McGee, Mickey O'Keefe
éditeur
genre
notes
critique
8
10
label
A

Fighter est sans doute depuis Ali (Michael Mann, 2001) le meilleur film de boxe que le cinéma américain nous ait donné, à mi‑chemin du Fat City de John Huston (1972), son modèle, et de The Wrestler de Darren Aronofsky qui, à l’origine, devait en assurer la réalisation.

À partir de l’histoire véridique du boxeur Micky Ward, interprété ici par Mark Wahlberg, David O. Russell, réalisateur des Rois du désert, trouve le parfait équilibre entre la description âpre (mais jamais misérabiliste) de la petite vie d’une famille ouvrière du Massachusetts ‑neuf enfants, une mère tyrannique et des hommes démissionnaires‑ et la dynamique propre au genre, à coups de séances d’entraînement et de combats.

Tout l’art de Russell consiste à nous faire presque oublier l’issue de son récit (pas de dénouement surprise dans un biopic) en se concentrant sur les rapports complexes et symbiotiques entre deux demi‑frères, Micky Ward, le cadet, à l’orée d’une carrière boxeur qui peine à démarrer, et Dicky Eklund (stupéfiant Christian Bale, pathétique et émouvant, dans l’un des rôles les plus passionnants de ces dernières années), ancienne gloire locale dont l’unique fait d’armes est d’avoir réussi à faire chuter ‑ou glisser ?‑ la légende Sugar Ray Robinson lors d’un combat.

Au fond, Micky Ward se bat sur tous les fronts et le vrai ring n’est pas forcément là où l'on croit : lutter contre sa propre famille et cette mère poule qui s’improvise manager mais envoie régulièrement ce fils qu’elle adore à l’abattoir ; contre ses sœurs, clique exubérante et authentiquement white trash (puddings décolorés en guise de coiffures, tee‑shirts roses, clopes au bec et langues de vipères gazouillantes) ; et surtout contre son frère qui, entre deux volutes de crack, poursuit le rêve délirant de revenir un jour au plus haut niveau. Résultat, Russell filme les combats de boxe (surtout le dernier, qui précède les rencontres mythiques entre Ward et Arturo Gatti) comme des moments de communion familiale, et les réunions de famille comme des combats de boxe, à ceci près que les blessures psychologiques infligées hors du ring procurent bientôt au jeune boxeur l’énergie nécessaire qui giclera de ses poings.

La grande finesse de Fighter tient dans sa capacité à ne pas en rester à une opposition de termes convenue (obstacles Vs catalyseurs), à plonger dans le gris des rapports humains, à l’image de Dick Eklund dont on finit par comprendre qu’il est, pour Ward, à la fois nocif et indispensable, son boulet et son meilleur guide. Au sein de cette famille qui gagne peu à peu en richesse (et donc en paradoxe), ce qui freine est aussi ce qui permet d’avancer, et les mêmes affects produisent soit de la castration, soir de l’émancipation. En famille, comme sur le ring, tout est donc question d’équilibre et de position : pour abattre le colosse du Destin, il ne suffit pas de gesticuler ou de cogner dans le vide, il faut d’abord trouver sa juste place.

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dvd
cover
The Fighter
Tous publics
Prix : 19,99 €
disponibilité
24/08/2011
image
DVD-9, 111', zone 2
2.35
SD 576i (Mpeg2)
16/9 compatible 4/3
bande-son
Français Dolby Digital 5.1
Anglais Dolby Digital 5.1
sous-titres
Français
8
10
image
Une caméra mouvante dans le sillage de cette famille gesticulante, sans cesse en mouvement, que ce soit sur les rings ou dans la ville de Lowell (le film a d'ailleurs été tourné sur place pour toujours plus de réalisme, certains habitants jouant leur propre rôle, comme l'entraîneur de Micky Ward, Mickey O'Keefe, policier depuis trente ans). Entre très légère et subtile reconstitution d'époque et mode de filmage proche du documentaire, le film séduit par son naturel, ses contrastes puissants et sa simplicité apparente. Beaucoup de qualités, très peu de défauts (un léger manque de précision parfois).
8
10
son
À famille rock'n'roll, bande‑son rock. Ce sont bien sûr les combats et les entraînements qui sont les mieux illustrés, mais aussi cette fameuse séquence bourrée d'énergie, introduisant les rapports des deux frangins avec cette ville et ses habitants, tous supporters. Le reste du temps, les dialogues fusent aussi vite que les coups, en VF comme en VO. Les deux mixages sont à peu près identiques, avec quelques voix d'ambiance supplémentaires en français, mais qui ne manquent absolument pas en VO. De toute façon, il est vivement conseillé de profiter du jeu des comédiens en VO, tous excellents, à commencer par Christian Bale (les sœurs de Dicky Eklunde le prenaient carrément pour leur frère sur le tournage) et Melissa Leo, récompensés aux Oscars 2010 pour leur prestation. Nous aurions juste aimé davantage de basses, qui ne se réveillent finalement que lors du combat final.
8
10
bonus
- Commentaire audio de David O. Russell
- Coulisses du tournage (29')
- Garder la foi (8')
- Scènes coupées, dont certaines commentées par le réalisateur (15')
- Bande-annonce
Ce sont bien sûr les excellents commentaires audio et les coulisses du tournage qui vous apprendront beaucoup sur le film et cette famille si ordinaire et exceptionnelle à la fois. Que ce soit les scènes coupées ou le film entier, David O. Russell n'est pas avare en indications de mise en scène, en anecdotes (la mère d'un copain du fils du réalisateur a gagné un baiser avec Christian Bale à une tombola, scène que l'on voit au début du film), et en compliments sur le travail des comédiens ou encore l'équipe de tournage. On assiste aussi à une impro démente de Christian Bale, complément dans la peau de son personnage. Quant à Mark Wahlberg (très proche de son personnage, issu d'une famille simple de neuf enfants…), qui a soutenu le projet durant des années, il s'est entraîné physiquement pendant quatre ans, ce qui explique sa carrure de boxeur dans de nombreux films… En plus de s'être fait construire une salle de boxe chez lui, deux entraîneurs l'ont suivi partout et sur tous ses tournages pour qu'il ne s'arrête jamais de boxer… Les coups sont réellement portés dans le film et le comédien semble avoir la main lourde. Une vraie performance.
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