Enter the Void
L’histoire n’est pas ce qui importe le plus dans un film de Gaspar Noé. C'est surtout la façon de la raconter et le type d’expérimentations visuelles qu’elle permet. Ici, un frère (Oscar) et sa sœur (Linda) vivotent à Tokyo, entre petits deals de drogue et clubs de strip‑tease. Mais un soir, Oscar, dénoncé par l’un de ses clients, est tué par la police dans une boîte de la ville. Son esprit quitte alors son enveloppe corporelle et le voilà qui erre pendant deux heures dans les rues de la capitale japonaise, passant d’un building à un autre, disparaissant au fond d’un trou pour réapparaître dans un autre, franchissant les frontières spatio‑temporelles (Oscar enfant et l’accident qui a coûté la vie à ses parents/s’introduire dans le cerveau des autres).
Fasciné par l’expérience subjective de La dame du lac (1945), Noé signe, comme à son habitude, un film radical dans sa forme mais puéril dans son contenu. Il faut donc oublier ce que le film veut nous dire (les obsessions de Noé sur les origines, la mort, le sexe et ce monde filmé comme un gigantesque baisodrome), et admirer les prouesses techniques du film, l’atmosphère vaporeuse de ce Tokyo artificiel et fascinant, kitsch et glauque, que Noé parvient à saisir.
C’est donc l’histoire d’un pacte que l’on décide de sceller, ou pas : comme dans Irréversible, où la forme à rebours transcendait un banal récit de vengeance, Noé vise à nous immerger dans l’esprit d’un mort, à flotter avec lui au‑dessus du monde, à pénétrer par tous les orifices possibles (et certains pour le moins insolites). Si Enter the Void semblera interminable à ceux que le trip n’aura pas touchés, il constitue malgré tout une proposition inédite dans le paysage plutôt assoupi du cinéma français.