En quatrième vitesse
Robert Aldrich fut sans doute l’un des premiers cinéastes américains qui, dès le milieu des années 1950, a assuré le passage du classicisme hollywoodien à sa modernité critique, insufflant dans chacun de ses plans une incroyable énergie et une brutalité qui allaient hystériser aussi bien le film noir que le western, le film de guerre et le polar.
Juste après Vera Cruz (1954), film avec Burt Lancaster et Gary Cooper qui allait paver le chemin du western italien, Aldrich s’attaque à un roman noir de Mickey Spillane, Kiss me Deadly, et à son détective star, Mike Hammer, qu’Aldrich a toujours détesté.
Tout commence sur une route nocturne : là, une jeune femme court à perdre haleine et croise la route de Mike Hammer (Ralph Meeker). Avant de mourir, la jeune femme demande à son (presque) sauveur de se souvenir d’elle. Pour Mike Hammer, c’est le début d’une aventure pour le moins étrange qui, en mois d’une heure quarante, passe du film noir classique (quel est le secret de la femme ? Qui sont ses assassins ? Quels mobiles ?) à une enquête métaphysique qui met en jeu rien moins que la fin du monde.
Film incroyable qui allait donner un coup de vieux instantané à un genre ‑le film noir‑ alors en perte de vitesse, brutal, violent, abstrait, En quatrième vitesse est l’un des plus grands films du cinéma hollywoodien, un film dont la descendance sera immense.
C’est A.I Bezerrides, le scénariste, qui eut l’idée géniale de transformer le motif prosaïque du roman original (tout le monde court après une mallette remplie de drogue) en une boîte de Pandore mystérieuse et explosive qui semble contenir tous les mystères et les maux du monde. Peu de films vous retournent autant l’esprit que ce Kiss me Deadly, dont la bande‑son (Nat King Cole dès le générique) reste gravée dans les mémoires.
L’un des sommets de la carrière pourtant mirifique de celui qu’on surnommait affectueusement le « gros Bob ».