Drug War
Cela semble fou, mais Drug War, polar impeccable de Johnnie To et Grand Prix au Festival de Beaune 2013, n’a pas eu l’honneur d’une sortie dans nos salles. C’est donc en DVD/Blu-Ray qu’on découvre, bluffés, ce bijou sec et taciturne réalisé par l’un des cinéastes hong‑kongais les plus passionnants et prolifiques de ces dernières années (se souvenir du formidable Les exilés en 2006).
Après un détour par la comédie romantique et la satire socio‑économique (La vie sans principes), le réalisateur de The Mission est donc revenu à son genre de prédilection, le polar. Mais comment, en pleine Chine continentale, avec une censure qui pèse désormais lourd sur les cinéastes de l’ex‑colonie britannique, To allait‑il pouvoir conserver son style ?
La réponse est apportée par Drug War, sans doute l’un des films les plus noirs et pessimistes de son auteur : après avoir survécu à l’explosion de son laboratoire de stupéfiants, Choi Tin-ming (Louis Koo) est arrêté par l’inspecteur Zhang Lei (Sun Honglei), chef de la brigade anti‑drogue. Ce dernier propose à son prisonnier un marché : afin d’alléger une lourde peine qui pourrait aller jusqu’à l’exécution, il lui propose de l’aider à infiltrer le milieu des trafiquants. Tout commence par une rencontre entre Choi et un certain Haha, gangster haut en couleurs qui ponctue toutes ses phrases d’éclats de rire. De fil en aiguille, Choi espère bien remonter la filière jusqu’à un certain Oncle Bill.
Comme toujours chez Johnnie To, la mise en scène, épurée et brillante, se met au service d’un récit impeccable qui plonge dans la réalité sordide du monde de la drogue. À chaque séquence, sa surprise, ses règles, son dispositif, son décor : alternant moments hyper‑violents (le massacre final) et respirations loufoques (Choi qui pastiche Haha, la superbe trouvaille du gang des sourds‑muets…), Drug War progresse sûrement vers un dénouement tragique et laisse un drôle de goût amer dans la bouche. L’un des musts du moment.