Don Jon
Jon Martello, beau gosse, hante les boîtes de nuit où il séduit tant de jeunes femmes que ses amis l’appellent « Don Jon ». Mais le vrai truc de Jon, c’est de se masturber compulsivement devant des pornos dénichés grâce à son ordinateur. Un jour, il rencontre la superbe Barbara qui, bien que séduite, se refuse à lui. Jon découvre peu à peu que Barbara entend façonner leur histoire comme une comédie romantique hollywoodienne…
Voilà enfin concrétisée une vieille idée que Joseph Gordon‑Levitt traînait depuis 2008. Après cette longue maturation, l’acteur a décidé de passer derrière la caméra pour en faire son premier long métrage. La thématique centrale ‑aime‑t‑on des personnes ou les considère‑t‑on comme des choses à consommer‑ est intéressante même si elle a déjà été explorée sous l'angle de l'ultra-violence par American Psycho. Pour formuler sa réponse, Joseph Gordon‑Levitt prend, lui, le parti de livrer une comédie psychologique grinçante, gentiment trash mais un poil déstabilisante aussi.
Intéressante parce que le jeune réalisateur/acteur s’est livré corps et âme au projet, qu’il a impulsé aux trois actes de son histoire des styles visuels et musicaux à la fois tranchés et pourtant complémentaires. Qu’il n’a pas eu peur de se donner un rôle franchement antipathique. Qu’il a communiqué un tel enthousiasme à ses partenaires qu’ils ont, eux aussi, accepté de brouiller leur image : Scarlett Johansson (Barbara) est certes splendide (fastoche), mais son personnage est fondamentalement franchement pathétique (plus dur ça…). Tony Danza, le père de Jon, explose son image de bon gars pour incarner, avec jubilation, un Himalaya de beaufitude... Tout cela est fort réjouissant. Mais aussi un peu perturbant.
Car le personnage de Jon est si antipathique, si pathologiquement malade qu’on peine vraiment à trouver un peu d’empathie pour lui. Bizarrement, Joseph Gordon‑Levitt est si intense dans la noirceur des deux premiers actes que son retour vers un peu de lumière (grâce à Julianne Moore sublime, comme d’habitude) paraît, du coup, un peu artificiel.
Malgré ces défauts d’écriture, des personnages féminins manquant un peu d'étoffe, un final poussant un poil fort dans le romantisme indé et quelques tics agaçants (constants passages à l’Église), Don Jon s’avère néanmoins une expérience visuelle forte et efficace dont chaque seconde, bonne ou moins bonne, témoigne d’un engagement total de son auteur. Cette générosité est assez rare et donne hâte de voir les prochains films du jeune homme...