Deux jours, une nuit
Sandra, salariée dépressive, s'apprête à reprendre son travail en usine. Mais une amie lui apprend que son patron a laissé à ses collègues une alternative : soit le retour de Sandra, soit une prime de 1 000 € pour chacun. La prime l'a emporté. Sandra obtient qu'un nouveau vote ait lieu et décide d'aller voir, un à un, ses collègues pour les faire changer d'avis.
Porté par une Marion Cotillard qui livre avec générosité une des meilleures interprétations de sa carrière ‑n'en déplaise à ses détracteurs‑ ce film d'une rare intelligence est bien plus qu'un véhicule à vedette ou une allégeance auteurisante d'une actrice internationale. Deux jours, une nuit est un film de cinéma tout court, avec de partis pris de mise en scène et une vraie finalité.
Côté cinéma, les frères Dardenne restent dans ce qu'ils font de mieux : cadrages millimétriques, dialogues concis, zéro pathos et casting parfait. Avec une petite mais importante nouveauté à l'image : le soleil. Accessoire surprenant chez les Dardenne, cet astre à la lumière presque froide sonne peut-être comme une promesse, sans doute comme un vague frémissement d'espoir, mais indique aussi certainement l'état second et presque dopé de Sandra contrainte de se gorger de cachets pour trouver le courage d'affronter ses collègues.
Sur le fond, les Dardenne livrent un questionnement social ouvert à tous, une forme de fable universelle qui entraîne la réflexion sur le sens presque égaré de la solidarité. Mais ce récit ouvert qui interpellera tous les spectateurs est aussi, à part égale, un formidable portrait de femme. Non une wonder‑woman ou une femme de fer mais, au contraire, un être cabossé, peureuse, vulnérable, parfois lâche, qui découvre sa nature profonde en se battant pour sa survie.
C'est cette conjonction de forme et de fond, touillée avec intelligence et délicatesse, qui fait toute la force de Deux jours, une nuit. Pour la première fois peut‑être « les frères » offrent une petite goulée d'oxygène à leurs spectateurs. Si beaucoup a été perdu, l'essentiel reste encore là, à notre portée. Lumière vacillante, mais lumière quand même.