Deux de la Vague
Ils ont incarné à eux deux la Nouvelle Vague française qui, à la fin des années 1950, fit souffler sur un cinéma hexagonal parfois assoupi un vent de liberté et de fraîcheur, qui influença aussi bien les générations futures que des cinéastes américains ou italiens.
Jean-Luc Godard, avec À bout de souffle, et François Truffaut, avec Les 400 coups, tous deux de 1959, étaient aussi les meilleurs amis du monde. En tout cas dans les années 1960 : entre eux, les idées circulaient (c’est Truffaut qui offrit à son aîné le scénario de À bout de souffle), les acteurs aussi (Jean‑Pierre Léaud, de Masculin, féminin à Baisers volés), et on voyait mal ce qui aurait pu briser leur amitié.
Ce fut en fait la politique qui, vers 1968, modifia leurs rapports : Godard se jeta corps et âme dans la contestation et orienta son cinéma vers un militantisme révolutionnaire (voir le récent Film socialisme), tandis que Truffaut poursuivit la voie qu’il avait ouverte dix ans plus tôt.
Dès lors, une haine profonde sépara les deux hommes. Comme l’explique Antoine de Baecque, le scénariste du film et spécialiste incontesté des deux cinéastes auxquels il a consacré deux biographies : « Presque tous les cinéastes français, depuis 1973, quand Truffaut et Godard se sont fâchés, à aujourd’hui, ont eu à se déterminer, à un moment ou à un autre, par rapport à ce duel : plutôt Truffaut ou plutôt Godard ? C’est‑à‑dire plutôt classique ou plutôt moderne, plutôt Matisse ou plutôt Picasso, plutôt artisan ou plutôt artiste, plutôt sage ou plutôt provocateur ».
Voici l’un des must du moment, un formidable documentaire qui réjouira autant le cinéphile exigeant que l’amateur de fiction, tant le récit de leur relation se teinte parfois d’un suspense insoupçonné.