Despair
Berlin, au début des années 30. Hermann Hermann (Dirk Bogarde), le propriétaire d’une usine de chocolats, mène une existence bourgeoise avec sa femme Lydia (Andréa Ferréol), soumise à ses fantasmes d’ordre sexuels, mais dont la bêtise l’exaspère. Las de sa condition privilégiée, il se met en tête de tout recommencer. Lors d’un voyage d’affaires, il rencontre un vagabond, Félix (Klaus Löwitsch). Persuadé de leur similitude physique, il lui propose d’échanger leurs rôles.
Première production internationale tournée en langue anglaise et adaptation de La méprise (1936) de Vladimir Nabokov, Despair fut, jusqu’à son actuelle restauration, laissé aux oubliettes. Et pourtant, ce trente et unième film de Rainer Werner Fassbinder (déjà prolifique) regroupe les thématiques qui le définissent, avec une radicalité incontestable.
Il n’y a qu’à voir la façon dont la figure du double dépasse la schizophrénie latente d’Hermann, pour se décliner en de multiples symboles incrustés à l’esthétique Art Déco de sa luxueuse demeure : les portes vitrées se dédoublent dans toute la profondeur de champ, et les miroirs brisés filent la métaphore d'une identité fragmentée.
L’utopie déceptive, confortée par la figure du double, permet au cinéaste d’évoquer le statut de l’acteur (pour commencer, Hermann pense duper son prétendu sosie, en lui confiant qui il est), et formule au passage une critique acerbe du star system hollywoodien. Un trésor enfin restauré.