Dernière séance
Dans une petite ville de province, Sylvain (Pascal Cervo) est l’homme à tout faire d’un cinéma de quartier, L'empire. Mais faute de moyens, celui‑ci est condamné à fermer d’ici peu. Or, le jeune homme affable et réservé le jour se transforme en tueur de femmes la nuit.
Initialement film de commande pour le cycle French Frayeur proposé par Canal+, Dernière séance relie l’amour à la mort du cinéma. Tapi dans son antre de cinéphile obsessionnel au sous‑sol de L’empire, Sylvain vit entouré d’icônes féminines (Bette Davis, Michelle Pfeiffer, Joan Crawford), figées à jamais sur des photographies en noir et blanc.
Au retour de ses virées insomniaques, toujours le même rituel, il les pare d’une oreille prélevée de ses forfaits meurtriers. Des flashbacks réguliers creusent l’origine psychanalytique de son acte et nous mettent aussitôt sur la piste de Psychose d’Hitchcock et de Fondu au noir, un film méconnu au sujet similaire réalisé par Vernon Zimmerman en 1980.
La mère (encore elle) a transmis à Sylvain la passion de l’image, il s’en nourrit sans relâche, connaît toutes les répliques de French Cancan de Jean Renoir et les applique à la lettre, avec les affres de la folie en plus : « Le spectacle exige qu’on lui sacrifie tout (…). Il y a plus fort que l’amour, que la vie… le spectacle ».
Le monde qu’il habite n’est décidément pas réel. Ou du moins, il tente de le substituer aux bobines, archives, affiches et autres vestiges qui peuplent les coulisses de L’empire, son habitat. L’implacable symétrie formelle dans laquelle déambule le cinéphile schizophrène (un pléonasme ?) est au service des fantasmes qui l’assaillent.
Laurent Achard signe une ode à l’horizon mortifère du cinéma. Le titre mélancolique évoque un âge d’or qui s’achève sur la survivance précaire d’une petite salle. Le rideau sur l’écran est tombé, Sylvain, l’archétype du cinéphile, sombre avec lui, dans un final magistral.