De bon matin
Banquier, la cinquantaine, Paul Wertret (Jean‑Pierre Darroussin) mène une vie paisible avec femme et enfant dans un pavillon de banlieue. Un matin comme les autres, il se rend à son travail, la Banque Internationale de commerce et de financement, pénètre dans son bureau, sort de son attaché‑case un pistolet et abat froidement deux de ses supérieurs. Flashback. Comment Paul en est‑il arrivé là ? C’est ce que la suite du film entreprend de raconter.
Après Violence des échanges en milieu tempéré, fable au scalpel qui décortiquait les mœurs de l’entreprise moderne, Jean‑Marc Moutou s’attaque cette fois à la vie d’un cadre moyen, tranquillement broyé par le système capitaliste. Entre des objectifs de vente toujours plus délirants, le grignotage progressif de sa vie intime par le travail, des rapports de travail tendus et des petites humiliations encaissées au quotidien, la vie de cet employé de banque ressemble à un cauchemar ouaté.
Mais loin du pamphlet que l’on aurait pu attendre (mauvais exploitants d’un côté et bons exploités de l’autre), De bon matin filme l’horreur ordinaire subie mais aussi commise par cet homme prêt à tout pour ne pas perdre son emploi : trahir ses collègues, arnaquer les clients, sauver sa place coûte que coûte.
La crise est passée par là et le film démonte à merveille la logique implacable et perverse du système capitaliste, non pas d’un point de vue exceptionnel, mais de celui de sa banalité, des couleuvres que tout employé doit aujourd’hui avaler pour ne pas sombrer, et des concessions morales que cette obsession de la survie suppose. Un rien sépare les bourreaux des victimes, et parfois, les uns deviennent les autres. Un film glaçant, presque documentaire, servi pour un Darroussin impérial. À voir.