Dans l'ombre de Mary
On ne présente plus Mary Poppins, cette super‑nounou dotée de pouvoirs magiques, qui loge dans l’imaginaire des petits et grands depuis son adaptation au cinéma en 1964. En revanche, certains d’entre nous ignorent peut‑être qu’à l’origine, il y avait Pamela Travers (Emma Thompson), l’auteure australienne vivant à Londres et sans laquelle notre nanny intergénérationnelle n’aurait jamais vu le jour. Mais quand Walt Disney tenta d’honorer la promesse faite à ses filles de porter l’héroïne de leur enfance à l’écran, Miss Travers eut plus qu’un droit de veto quant à la concrétisation du projet.
Durant vingt ans, l’écrivaine fit effectivement de la résistance. Toutefois, lorsqu’en 1961, la nécessité pécuniaire la contraint à pactiser avec l’empire Disney, l’affaire est loin d’être gagnée : fraîchement débarquée dans la Cité des Anges, Travers couve son bébé à outrance : le script ne convient jamais, les personnages sont à côté de la plaque, et l’univers Disney lui apparaît vain et infantilisant.
C'est l'histoire de ce film qui, avant de devenir le chef‑d’œuvre musical aux cinq Oscars, déclencha l’affrontement palpitant entre le monstre sacré de l’animation et l’auteure par excellence de la littérature jeunesse. Peu à peu, le scénario s'oriente vers la fêlure intime de Miss Travers (rapidement, les flashbacks recomposent une parcelle biographique de l’écrivain, celle‑là même qui justifie sa réticence et son âpreté) que Walt Disney, autre rescapé d’une enfance difficile, ne tarde pas à pressentir. Une réussite émouvante, portée par l’irrésistible tandem, Tom Hanks/Emma Thompson.