Daft Punk Unchained
Un documentaire avec Giorgio Moroder, Nile Rodgers, Pharrell Williams, Kanye West, Michel Gondry, Paul Williams, Peter Lindbergh… mais sans Thomas Bangalter et Guy‑Manuel de Homem‑Christo, les deux héros casqués de Daft Punk (ou si peu, quelques interviews radio, une poignée d'images inédites de leurs débuts, à visage juvénile découvert). On en prendra son parti pour se concentrer non pas sur la musique, finalement sujet connexe dudit doc, mais sur la genèse hyper‑documentée du duo électro, racontée par les proches et nombreux collaborateurs, et retracée par Hervé Martin-Delpierre et Marina Rozenman deux années durant sous l'égide de la BBC. Un parcours à contre‑courant dans l'industrie musicale actuelle avec, en point d'orgue, le mythique Coachella 2006. On y reviendra.
On rembobine donc le bon vieux Ghetto Blaster (sur lequel les deux potes feront découvrir leur premier album Homework devant une équipe médusée de Virgin) pour revenir aux origines rave et house du groupe, à la musique faite pour danser, l'EDM (Electronic Dance Music), celle issue des clubs disco new‑yorkais des Seventies. Une première partie assez inédite qui ravira les fans comme les novices.
Un 45 tours signé sur un label écossais plus tard, les voilà contraints d'embaucher un jeune manager débutant (Pedro Winter) pour refuser en rafale toutes les offres qui se présentent à eux. Pas vraiment contraints par les choses matérielles, les tout jeunes Bangalter et Homem‑Christo souhaitent prendre le temps d'écrire et enregistrer dans leur chambre leur premier album, Homework (1997). L'un écrit la musique comme il respire, l'autre relit sa documentation hardware tous les mois pour être certain de maîtriser à la perfection ses outils… Tout est dit.
Homework sort. Une claque. Un nouveau son pour toute une génération. Les pépites Around the World (clippé par Michel Gondry) et Da Funk (mis en image par Spike Jonze) leur ouvrent les portes à l'international. Après l'album Discovery en 2001, suivra quatre ans plus tard le minimaliste Human After all. Un album dont on mesurera la portée tardivement et qui stoppe le groupe dans son ascension. C'est alors que Daft Punk, après des années de refus, se décide enfin à participer au plus grand festival de musique mondial, Coachella, Californie.
Dans le plus grand secret et avec des avances faramineuses concédées par l'organisation, le groupe concocte certainement le tournant de son histoire. Le show, reposant en grande partie sur une gigantesque pyramide faite de milliers de LED qu'il faudra rapatrier de tous les États‑Unis (une première à l'époque), chauffe la foule à blanc et restera dans toutes les mémoires, même celles de ceux qui l'ont seulement vu sur Youtube…
Sans doute le passage le plus frissonnant de ce documentaire totalement hagiographique certes, et de facture somme toute classique, mais retraçant par bribes et anecdotes savoureuses vingt ans de la trajectoire hallucinante de deux blancs‑becs parisiens un peu rebelles (et génies du marketing ?) devenus superstars invisibles et auteurs d'un des plus grands pieds de nez jamais faits à la presse et au star‑système.