D'argent et de sang
Pour sa première série, Xavier Giannoli (L’apparition, Illusions perdues) se paie un casting trois étoiles et livre un thriller haletant sur fond d’arnaque du siècle des quotas carbone.
Librement inspirée du livre‑enquête sur « les escrocs du CO2 » de Fabrice Arfi (paru en 2018 aux Éditions du Seuil), la série revient avec moult précisons et une fluidité déconcertante sur les faits d'armes d'une bande d'escrocs de Belleville qui, à la fin des années 2000, ont détourné de l’argent public grâce à un système financier censé lutter contre la pollution. Une escroquerie monumentale, dite « fraude à la taxe carbone », survenue entre 2008 et 2009 en France et en Europe, à l’origine du détournement de centaines de millions d’euros.
Un comptable pas comme les autres…
Pour raconter cette histoire rocambolesque basée sur des sociétés‑écran ouvertes et fermées à la chaîne, le cinéaste va prendre son temps (12 épisodes) et inscrire son récit du point de vue des autorités, incarnées par un personnage de fiction, Simon Weynachter (Vincent Lindon), le directeur du service national de douane judiciaire. Au hasard d’une perquisition, Weynachter et ses équipes mettent au jour une arnaque à la TVA apparemment banale, impliquant deux escrocs tunisiens du quartier populaire de Belleville, Fitous et Bouli, le comptable brillant mais perché du petit groupe. Ils établissent une connexion avec un mystérieux trader des beaux quartiers, Jérôme Attias. Pour Weynatcher, la quête de vérité et la traque de ces escrocs vont tourner à l’obsession.
Fêtes orgiaques et gros délires
Un récit dense et sans cesse en mouvement où personnages épiques et points de vue se confrontent sans arrêt : la rigueur institutionnelle et l’austérité des chambres du Parlement d'un côté, les dorures des palaces, les jets privés et les fêtes orgiaques organisées avec les milliards volés, de l'autre… La mise en scène, au service du récit fractionné par des flashbacks et soutenue par le rythme magnétique de la bande originale de Rone, fait immédiatement penser au montage percutant d'Oliver Stone pour JFK (une inspiration évidente de Xavier Giannoli).
Ramzi Bedia et Vincent Lindon, parfaits
Outre Vincent Lindon, parfait en enquêteur obsessionnel, le reste du casting, de Niels Schneider à David Ayala en passant par Judith Chemla, Olga Kurylenko et Yvan Attal, est à la hauteur de la mise en scène au cordeau et du récit. Avec une mention toute particulière pour Ramzy Bedia qui, en incarnant Alain Fitoussi alias Fitous, un Juif tunisien qui a fait l’école de la rue, parvient à donner à son personnage une humanité et une densité peu évidentes. Il crève l’écran. À noter que la série sera diffusée en deux temps, une première salve de 6 épisodes et une seconde cet hiver.