Crime d'amour
Alain Corneau y pensait depuis longtemps : comment un criminel peut‑il concevoir un crime parfait en se faisant passer pour le coupable idéal ? Paradoxe digne d’un film de Fritz Lang (se souvenir de L’invraisemblable vérité par exemple), qui servit de base au dernier film du réalisateur du Choix des armes et Police Python 357.
Avec Crime d’amour, Corneau croise deux tendances de son propre cinéma. D’un côté, le monde de l’entreprise exploré avec Stupeurs et tremblements, et de l’autre, celui du film noir et du polar dont il fut, après Melville, l’un des meilleurs représentants dans les années 1970 et 1980.
Nous voici donc dans les couloirs froids et impersonnels d’une multinationale. Là, deux femmes s’affrontent violemment, la jeune Isabelle (Ludivine Sagnier, parfaite) et sa supérieure hiérarchique, Christine (Kristin Scott Thomas), qui voit d’un mauvais œil l’ascension inéluctable de sa protégée. L’humiliation devient ici le moteur du récit criminel, qui progresse à fleurets mouchetés, entre non‑dits et silences. Pouvoir, séduction, sadisme, paranoïa, l’équilibre ne peut que flancher et la manipulation virer au drame. La mécanique impeccable du film constitue aussi sa limite, puisque cet exercice de style parfois brillant manque aussi de profondeur.