Coup de cœur
1982. Une année noire pour Francis Ford Coppola, terrassé par l’échec critique et public de Coup de cœur (One from the Heart). Ce film révolutionnaire qui devait ouvrir en grande pompe l’ère du cinéma électronique a rendu Coppola aussi fragile que Le parrain, tourné dix ans plus tôt, l’avait rendu puissant.
Comme si un seul film, dont le budget était passé en quelques semaines de 2 à 25 millions de dollars, avait suffi à mettre sur la touche l’un des cinéastes les plus importants et influents de la décennie écoulée. Zoetrope, la société de production qu’il avait créée en 1969, était maintenant à vendre et, dans quelques mois, le poids de ses dettes s’annonçait insurmontable.
Avec Coup de cœur, et Coppola le répète à l’envi à l’époque, il s’agit de faire entrer le cinéma dans une nouvelle ère numérique : son van Silverfish, sorte de QG sur roues rempli de magnétoscopes Sony Betamax et de moniteurs, fonctionne à plein régime. Ceux qui sont venus sur le tournage de Coup de cœur se souviennent de cet immense wagon argenté transformé en une régie vidéo ultra‑perfectionnée : à l’intérieur, Coppola, rivé à des dizaines d’écrans et de contrôleurs vidéo, dirige son plateau via des haut‑parleurs, réalisant ce qu’il a baptisé le « cinéma électronique ».
De quoi s’agit-il ? D’une façon, expérimentée sur Coup de cœur puis The Outsiders, d’envisager le processus de création dans sa totalité et de rompre avec la succession classique des étapes de fabrication d’un film : écriture du scénario, story‑board, tournage du film et montage. Pour Coppola, l’heure du cinéma électronique a sonné. Début des années 1980, avec l’apparition massive des magnétoscopes et des cassettes vidéo, Coppola pressent, avant tout le monde, que la capacité à contrôler en temps réel le tournage et à revoir instantanément ce qu’on vient de filmer va ouvrir une ère révolutionnaire dans la façon de faire des films.
Mais au service de cette armada technologique, une histoire minuscule : à Las Vegas, un couple (Terri Garr et Frederic Forrest) se sépare, l’homme et la femme font des rencontres puis finissent par se retrouver. Il manque à ce musical, visuellement époustouflant, de la chair, de l’émotion, ce qui explique sans doute son échec critique et public. Pourtant, trente ans plus tard, l’expérience reste passionnante.