Contagion
Il a suffi de quelques jours pour qu’un virus d’un genre nouveau, visiblement en provenance de Chine, se propage à l’échelle du globe, décimant les populations de manière encore plus meurtrière que la grippe espagnole en son temps. Tandis que les victimes et leurs familles luttent, faisant face à un chaos sans précédent, amplifié par la rumeur, internet et les pénuries de nourriture, les scientifiques du monde entier se mobilisent pour trouver un vaccin et remonter à la source du mal…
À son tour, Steven Soderbergh s’attaque au film de virus et au genre post‑apocalyptique, plus vivace que jamais ces derniers temps (28 jours plus tard et sa suite, 28 semaines plus tard, Infectés, The Crazies, La route ou encore Diary of the Dead du maître George A. Romero). S’éloignant des visions fantastiques ou radicales des titres cités, le réalisateur, qui choisit la forme du film choral, prend le parti d’en faire un long métrage réaliste avant tout, décortiquant chacune des étapes de la pandémie.
Mais il y a une dichotomie entre la volonté de vérité à tout crin et la pléiade de stars se bousculant au générique. Outre les têtes d’affiche (Kate Winslet, Matt Damon, Gwyneth Paltrow, Laurence Fishburne, Marion Cotillard et Jude Law), chaque second rôle ou presque est porté par un acteur de renom, comme par exemple Bryan Cranston (Breaking Bad), John Hawkes (Winter’s Bone) ou encore Elliott Gould (le papa de Monica et Ross dans Friends et autrefois dans M.A.S.H. de Robert Altman). Ce défilé de célébrités, plus opportun pour la saga Ocean’s, a ici pour effet de déconnecter le spectateur des faits tragiques auxquels il assiste. En lieu et place d’anonymes, on ne voit que les visages des stars, certes peu apprêtées, mais stars malgré tout.
Surtout, on se demande où veut en venir Soderbergh. Un constat de la dangerosité de la rumeur et du world wide web ? Une analyse politique de notre monde, clivé entre « pays des suds » et bloc occidental, entre riches et pauvres, entre ceux auxquels on pense et ceux que l’on oublie ? Malgré sa froideur clinique de bon aloi, ce Contagion manque d’engagement, de positionnement franc, effet renforcé par le choix du film choral, pratique quand on ne sait pas vraiment où se placer.
Enfin, choisir de faire du patient zéro (Gwyneth Paltrow) une femme adultère qui sera à l’origine de la contamination du monde entier ‑et également de l’éclatement de la cellule familiale‑ revient à livrer une relecture du péché originel. On mettra cela sur le compte de la maladresse.