Compte tes blessures
Vincent Vlanine (Kévin Azaïs), 24 ans, vit toujours au domicile familial. Avec son père, Hervé (Nathan Willcocks), fraîchement veuf, les rapports ont toujours été compliqués. L’arrivée inopinée de Julia (Monia Chokri), sa nouvelle petite amie, ne va rien arranger…
Plutôt que de trouver les mots à la hauteur de ses sentiments, Vincent se fait tatouer le portrait de ses parents de chaque côté du cou, il rentre enthousiaste à l’idée de le montrer à son père. Au lieu d’y voir un témoignage d’affection filial, le paternel se contentera de juger son manque de ressemblance ainsi que la futilité de la démarche. Une incompréhension mutuelle qui survient juste après la séquence inaugurale et préfigure l’accumulation de faux pas et autres manquements durant le reste de cette bouleversante odyssée œdipienne pour famille recomposée.
Car Vincent s’éprend bientôt de Julia. On attendait une histoire éculée de conflit entre fils contrarié et belle‑mère acariâtre, en fait Morgan Simon (jeune cinéaste dont c’est le premier film) nous emmène vers les zones sinistrées du triangle amoureux et de l’incommunicabilité. Couvert de tatouages, Vincent ne s’exprime qu’avec son corps, s’époumone avec son groupe lors de gigs post‑hardcore, à défaut de trouver l’oxygène et sa place à la maison. Une place qui lui est désormais refusée, car en dépit de ses silences et de ses airs bourrus, Hervé tente de les détourner des conséquences pernicieuses d’un ménage à trois.
Dans une scène déchirante de contradiction, Vincent le supplie de lui dire « je t’aime ». À son tour, Hervé camoufle son désir de protection en lui ordonnant de décamper. L’accumulation des non‑dits aura raison de cette relation filiale délicate, à tel point que chacun y évaluera ses blessures à l’issue d’un final bouleversant.