Comment je suis devenu super-héros
À Paris, dans un avenir proche, les surhommes et femmes se sont si bien intégrés dans la société que Moreau (Pio Marmaï), policier spécialisé dans la super‑criminalité, se la coule très douce. D'habitude, les super‑pouvoirs se transmettent uniquement de parents à enfants, mais une mystérieuse drogue surgit et permet à des quidams d’expérimenter des capacités hors norme. La situation dérape. Il y a des morts et des blessés. Moreau doit faire tandem avec Schalzmann (Vimala Pons), une flic teigneuse qui s’exaspère de l’attitude je‑m’en‑foutiste de son collègue. L’enquête devenant plus complexe, Moreau en appelle à deux ex‑super‑justiciers, Callista (Leïla Bekhti), une éducatrice sportive dotée d’intuitions surnaturelles, et de Monté Carlo (Benoît Poelvoorde), doué de téléportation mais affligé par une maladie dégénérative.
Une grosse production française sur des super‑héros ? Un premier film signé Douglas Attal, auteur de seulement deux courts métrages ? Forcément, le projet était promis au bouillon… Sauf que non ! L’amour que Douglas Attal prête au genre ne fait pas le moindre doute et ce Comment je suis devenu super‑héros, tiré d’un roman éponyme de Gérald Bronner et proposé en exclu sur Netflix, a l’intelligence de marier habilement polar et super‑pouvoirs sans jamais recourir aux facilités de l’ironie et du second degré.
Douglas Attal s’avère de sucroît franchement doué pour mettre en scène de toniques scènes d’action, particulièrement une impressionnante attaque de commissariat ou le duel final. Mais en prime, le jeune réalisateur négocie savamment son affaire ‑en l’occurrence un joli coup de théâtre‑ et tire le meilleur de son budget (12 millions d'euros, un gros paquet chez nous, une paille aux États‑Unis) pour offrir aux spectateurs des effets spéciaux de très bonne qualité. On n’est certes pas dans le destruction‑porn des productions Marvel ou DC, et c’est tant mieux : les partis pris visuels du film offrent du coup un jubilatoire et paradoxal réalisme aux séquences.
Douglas Attal, qui porte le projet depuis 2010, a su de surcroît bien s’entourer : tous les spectateurs auront leur petit chouchou au sein de ce beau casting, mais force est de constater que chacun des comédien(ne)s parvient à conférer une texture et une tonalité très spécifiques à son personnage.
Alors, carton plein ? Presque. La contextualisation du récit méritait sans doute plus de substance et la caractérisation des protagonistes n’est pas toujours dépourvue d’artifice. Elle aurait aussi mérité un peu plus d’étoffe pour le méchant campé par Swann Arlaud. Certaines bagarres, particulièrement celles confiées à Leïla Bekhti, auraient aussi exigé une chorégraphie plus tonique. Ces défauts bien réels restent malgré tout véniels, presque négligeables au regard des énormes ambitions concrétisées par Douglas Attal. Le jeune réalisateur signe ici un premier long mené avec un amour et une énergie créative qui forcent l'admiration : Comment je suis devenu super-héros mérite largement le détour.