Collision
Deux voleurs de voitures. Un serrurier mexicain. Deux inspecteurs de police amants certains soirs. Une femme au foyer et son politicien de mari. Tous vivent à Los Angeles. Eux et beaucoup d’autres ne se connaissent pas, leur chemin n’aurait jamais dû se croiser. Pourtant, cette nuit, ils vont entrer en collision…
À Los Angeles, mégalopole géante de plus de 200 km de long où des millions de gens se croisent à longueur de journée, sans jamais se toucher, le seul moyen d’entrer en contact avec ses semblables est de les percuter de plein fouet, en voiture. Un moyen de rencontre violent, mais une rencontre quand même. Une bagnole de luxe que deux petits malfrats arrachent des mains d’un politicien et de sa femme. Un 4x4 qu’un policier raciste et désabusé arrête pour un contrôle qui tourne au vinaigre. Une veille guimbarde dans laquelle un flic blanc prend en stop un Noir qu’il finira par abattre. Un camion dans lequel un Chinois retient prisonniers des travailleurs clandestins. Une camionnette de serrurier latino dont la petite fille de 5 ans est traumatisée par le bruit des balles de revolver… Il y a aussi ce commerçant iranien à qui on refuse de vendre une arme parce qu’on le croit Arabe. Sans parler de ce braqueur qui ne fait pas un pas sans sa petite statuette de Saint Christophe. Tous ces personnages vont entrer en contact les uns avec les autres, mais surtout avec eux‑mêmes.
En toile de fond, l’impuissance d’un fils devant la souffrance et la déchéance physique de son père, l’humiliation de l’homme noir contraint de ravaler sa fierté et sa rancœur, la paranoïa de la femme blanche persuadée que le serrurier refile les doubles des clés de sa maison à sa bande de copains, la solitude et la colère du jeune flic face aux agissements inacceptables de son coéquipier, la peur de l’autre qui pousse à commettre l’irréparable,
l’envie de vengeance d’un Iranien irascible à qui on ferme toutes les portes, la force brutale et néfaste des préjugés raciaux…
Un film sur le racisme donc, où personne n’est tout à fait blanc ni tout à fait noir. Paul Haggis, qui fait évoluer ses personnages dans une zone nébuleuse entre le Bien et le Mal, nous assène un direct au cœur. Puis au moment où tous les fils se croisent, tout devient clair. Le puzzle est enfin complet. Un film chorale à la structure narrative éclatée, aux dialogues et à la mise en scène raffinés. Un film qui a marqué l'année 2004, du Canadien Paul Haggis (scénariste de Million Dollar Baby), auréolé de trois Oscars cette année‑là : Meilleur film, Meilleur scénario et Meilleur montage.