Cold War
Dans la Pologne autoritaire de Staline, l’art est bien entendu soumis à un contrôle strict, mais un pianiste virtuose (Tomasz Kot) et une chanteuse frondeuse (Joanna Kulig) choisissent de faire bande à part et se retrouvent (non sans difficultés) dans un Paris bohème, haut lieu du be bop et de l’effervescence culturelle. Toutefois, ces retrouvailles tardives (et appelées à se répéter tout au long de leur itinéraire) suffisent‑elles à réfréner les vertiges du déracinement ?
À travers cette romance intermittente, le cinéaste Pawel Pawlikowski interroge la responsabilité partielle de l’Histoire sur la vie des hommes. Dès la première partie du film, il dissémine en filigrane les moyens répressifs de l’État, lequel dirige une troupe de danse folklorique pour la cause patriotique ou n’hésite pas à faire surveiller Wiktor par sa partenaire. Mais une fois loin du bloc de l’Est, les amants contrariés continuent à se perdre puis à se retrouver, comme si l’initiative individuelle avait aussi sa part d’ombre et de lumière, de constance et de mouvement refluant. Étranger dans son pays, puis dans un autre, insatisfaite dans les bras d’un mari choisi au hasard, mais également avec l’homme de sa vie, Wiktor et Zula gravitent comme deux électrons libres autour de la grande Histoire.
Un rapport au temps intime et collectif délicat que le cinéaste choisit d’illustrer avec des plans fixes lors des spectacles de danse à la gloire de Staline, puis de discrets mouvements de caméra dans l’intimité écorchée du couple. Autant de tableaux figés ou dynamiques qui considèrent une page de l’Histoire polonaise et celle de deux êtres avec un œil distancé mais ardent.
Sublimé par une photographie en noir et blanc à tomber, Cold War n’aura pas démérité le Prix de la Mise en scène lors du dernier Festival de Cannes.