Cobain Montage of Heck
La trajectoire tragique de Kurt Cobain, le leader du groupe Nirvana, depuis sa petite enfance jusqu'à son suicide à 27 ans, le 5 avril 1994.
Brett Morgen (Crossfire Hurricane, The Kid Stays in the Picture) signe ici un documentaire exceptionnel puisqu'il a eu accès ‑et sans restriction‑ à la totalité des archives de Kurt Cobain ainsi qu'à des interviews de tous ses proches, même ceux qui avaient refusé de parler jusque‑là, comme son père. C'est donc un monumental travail de recherche qui soutient le propos du documentariste. À la production, Frances Cobain, la fille de Kurt.
Brett Morgen, qui dans les bonus confesse son admiration pour Pink Floyd the Wall, a par ailleurs une réelle ambition formelle : il fait un usage toujours judicieux des musiques de Nirvana, créé d'incroyables séquences d'animation sur l'enfance et l'adolescence de Cobain. Mieux : le réalisateur donne à voir et à entendre l'ultra‑dense œuvre graphique et sonore de Kurt Cobain. Le fameux « Montage of Heck » du titre est par exemple une espèce de feuilleton audio mélangeant réflexions de Cobain ado, publicités et dialogues de films d'horreur, soit une fenêtre très surprenante sur la psyché de l'artiste.
Brett Morgen, qui affirme avoir conçu son documentaire sans la moindre influence, notamment de Courtney Love, la très contestée veuve de Cobain, sert clairement un propos : Cobain souffrait selon lui depuis l'enfance d'un puissant et destructeur syndrome d'abandon familial. Le discours est tenu, étayé par de très nombreux documents intimes, extraits de chansons et textes tirés de tonnes de cahiers sur lesquels Cobain griffonnait tout le temps. Brett Morgen, s'il considère par ailleurs clairement Kurt Cobain comme un génie, n'idéalise jamais son sujet qu'on peut voir ‑la chose est même parfois gênante‑ dans une ultra‑intimité rarement reluisante.
En dépit de cette documentation et de cette volonté de ne pas mentir ni embellir son sujet, on peut questionner ‑et même critiquer‑ la dernière partie du film montrant une inéluctable fuite vers le suicide de Kurt Cobain. Le film s'arrête un mois avant la mort très étrange de l'artiste et on aurait aimé qu'à ce sujet, Courtney Love soit un peu plus malmenée durant les entretiens...
Que l'on aime ou pas la musique de Nirvana, ce Montage of Heck prouve en tout cas l'extrême richesse de l'univers artistique de Kurt Cobain et s'avère une œuvre cinématographique d'une immense et bluffante ambition.