Cet obscur objet du désir
Réalisé en 1977, Cet obscur objet du désir est le dernier film de Luis Bunuel, cinéaste majeur à qui l’on doit une poignée de chefs‑d’œuvre, parmi lesquels L’âge d’or, Los Olvidados, Belle de jour ou encore Le charme discret de la bourgeoisie.
Cet obscur objet du désir, avec La femme et le pantin de Joseph von Sternberg (avec Marlene Dietrich), est la plus célèbre des quatre adaptations du roman éponyme de Pierre Louys. Rappelons l’histoire, qui tient d’ailleurs du concept : un homme d’âge mûr (interprété par Fernando Rey) désire une jeune femme, sa servante, qui ne cesse de se dérober. À chaque fois que l’occasion se présente de posséder enfin son corps, un obstacle ou un événement imprévu l’en empêche.
Métaphore de l’impossible possession du corps de la femme par l’homme, Cet obscur objet du désir baigne dans un climat d’onirisme et d’insécurité constante (le film s’ouvre et se clôt par un attentat), et surtout, repose sur une originalité aussi étrange que prodigieuse : Bunuel eut en effet l’idée de faire interpréter le rôle de la jeune femme, Conchita, par deux actrices différentes, Carole Bouquet et Angelina Molina, manière d’exprimer à merveille le trouble de ce bourgeois vieillissant (mais aussi du spectateur) et l’impossible fixation du désir masculin.
Le film se clôt enfin par une image énigmatique mais célèbre ‑dans une vitrine, une femme recoud un vêtement en dentelle taché de sang‑ que les Bunueliens ont rapproché du fameux plan de l’œil déchiré par un rasoir au début d’Un chien andalou, son premier film.